Marcus King digne héritier des Allman Brothers

Avant-hier soir Le Transbordeur de Lyon a vibré au son du jeune Marcus King venu de Caroline du Sud. Un blues-rock sudiste qui m’a rappelé les grandes heures des Allman Brothers.

J’ai découvert Marcus King en 2018 avec son album Carolina Confessions, puis ai vraiment accroché à sa musique avec le suivant El Dorado en 2020. J’y entendais notamment des influences à la Neil Young avec entre autres la superbe ballade folk mélancolique Young man’s dream. J’avais également perçu des couleurs évidentes de blues-rock sudiste teintées de soul, mais il fallait le voir et l’entendre en live pour s’en convaincre réellement.

Avant-hier soir, sur la scène du Transbordeur à Lyon/Villeurbanne, le jeune guitariste de 28 ans a mis tout le public lyonnais d’accord. Une maitrise de la guitare sans équivoque avec un jeu qui évoque les grands noms de la six-cordes, de Robben Ford à Dickey Betts. Si je cite ce très grand guitariste, ce n’est pas sans raison, car ce mercredi 23 octobre, j’ai tout simplement eu l’impression d’entendre par moments les Allman Brothers. Et le jeu en slide du deuxième guitariste Drew Smithers n’est pas étranger à cette sensation. Les soli en guitares harmonisées entre King et Smithers rappellent inévitablement le duo Betts/Allman.

Cette guitare slide elle pouvait sonner très grasse et rugueuse, mais aussi beaucoup plus douce à tel point qu’on croyait parfois entendre une pedal steel

Mais si on pense forcément à l’immense Duane Allman, le jeu de Drew Smithers rappelle aussi le toucher de Derek Trucks, comme le prouve ce magnifique solo sur This Far Gone (à partir de 1:00 dans la vidéo) :

Après une intro à l’atmosphère très western spaghetti, puis limite free-expérimental, le groupe composé de deux guitares, clavier, basse batterie a délivré du gros son et nous a embarqué de l’autre côté de l’Atlantique. Des personnes dans le public arboraient d’ailleurs Stetson et santiags, à l’instar de Marcus King.

Une imagerie très americana, mais pour une musique qui ne se cantonnait pas aux clichés country-southern-rock comme on aurait pu le penser de prime abord. Le guitariste américain sort rapidement des plans classiques du blues-rock pour s’envoler souvent à travers un phrasé lorgnant vers le jazz-rock.

Et plutôt que des gros riffs à 100 à l’heure, l’ambiance était plutôt détendue et respirait la soul et le blues authentique. La plupart des morceaux étaient en mid-tempo, voire en tempo lent. Pas de gros sabots, des arrangements subtils, des interventions raffinées, du blues-rock, mais avec des vrais morceaux de swing dedans. La grande classe. Ce n’est pas un hasard si Marcus King a été adoubé par Warren Haynes, qui considère King comme un guitariste doué d’une «maturité dépassant de loin son âge».

La filiation avec Neil Young que j’avais perçue s’exprime en live par une reprise complétement réarrangée d’une chanson du Loner : Are you ready for the country issu du mythique Harvest prend sous les mains de King et son groupe une autre dimension avec un riff funky qui lui donne une impression de sonner comme le classique Rollin’ and Tumblin’

Et tout comme chez les Allman Brothers on passe allégrement du rock sudiste au jazz-rock. Par exemple le solo sur Save me avec une Esquire gorgée de flanger, suivi par un son de synthétiseur que n’auraient pas renié des groupes progressifs. Sur ce même morceau, King invite le public à reprendre le refrain en chœur, et les gones ne se sont pas fait prier pour chanter.

L’audience lyonnaise était très réceptive et chaque solo était systématiquement applaudi. Le passage acoustique a aussi été très apprécié. Trois morceaux seul en scène avec sa guitare, et juste une boucle rythmique sur le premier, Marcus King a donné le frisson à tout le monde avec sa voix habitée. Il nous a gratifié d’une nouvelle chanson Die alone, et a été rejoint par ses musiciens pour Goodbye Carolina, « Une chanson que j’ai écrite quand j’étais en France », confie-t-il.

L’électricité a fait son retour avec une Gibson ES-335 Cherry. Un final grandiose sur Lie Lie Lie enchainé à Rice Pudon, entrecoupé par un solo de chaque musicien. Basse, batterie, clavier, slide et enfin King pour une montée en apothéose. Même si le terme n’est pas très académique, j’ai envie d’appeler ça du blues progressif.

Rappel de trois titres. D’abord seul en solo acoustique avec le très beau Delilah, repris en chœur par le public, puis un « nouveau » morceau qui à mes oreilles sonne très CSN, avant de présenter les musiciens sur le bluesy Wildflowers, et de clore magistralement avec Ramblin man, une chanson de…Dickey Betts. La boucle est bouclée.

Un super concert. Et un plaisir partagé avec les potes Guy et Lucie de Ô Feeling, ainsi que d’autres compagnons de jams à la fin de la soirée : Stéphane, Thomas, Marie… Visiblement d’autres étaient présents comme Léo ou Cédric que je n’ai pas vus, mais qui je n’en doute pas ont dû apprécier également. Marcus King revient en France, le 3 novembre au Bataclan. Si vous avez l’occasion d’aller le voir, surtout ne le ratez pas.

Le site officiel de Marcus King

© Jean-François Convert – Octobre 2024

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