Les Holy Bones nous embarquent dans un film imaginaire

L’album ‘Alma perdida’ sorti en mai est présenté par le groupe Holy Bones comme la « BO d’un film qui n’existe pas ».

« Original soundtrack for a film that doesn’t exist » indique la pochette. Cet album Alma perdida du groupe grenoblois Holy Bones sorti le 12 mai dernier annonce tout de suite la couleur : il a été pensé comme la bande originale d’un film… qui n’existe pas. La démarche nous rappelle celle du collectif américain Whatitdo Archive Groupe qui en 2021 avait sorti The Black Stone Affair. Mais alors que le groupe de Reno avait surfé sur l’ambiguïté du vrai et du faux pendant la promotion du disque, le quatuor français joue direct cartes sur table dès la pochette. Au moins on est tout de suite fixé, pas besoin de chercher si le film Alma perdida aurait existé ou non.

En revanche, la musique de Holy Bones lui donne vie dès les premières notes. Imaginaires ou pas, les images défilent dans notre tête à l’écoute de ces 20 titres qui évoquent instantanément grands espaces, routes longilignes et désert entre Texas et Mexique.

Le répertoire baigne dans une ambiance typiquement americana avec quelques touches en espagnol et français. Les textes suivent les émotions d’un personnage au volant de sa Cadillac sur les traces de son âme perdue, de son Eldorado. Les notes respirent la poussière et le sable, on pense à un polar des frères Coen ou un road movie de Jim Jarmush. Parfois on bascule sans prévenir dans l’onirique incantatoire comme avec It’s gonna be alright ? Vous avez dit film fantasmé ?

Pour renforcer l’impression cinématographique, plusieurs bruitages et dialogues parsèment l’album. Mais c’est surtout la musique qui installe le décor. L’atmosphère est souvent crépusculaire, dès l’ouverture How Sad I Feel jusqu’au bluesy There We Are, en passant par la tétralogie Bad Preacher Song, Behind The Door, Blind, et From Nowhere. Elle peut aussi se faire un brin irréelle comme dans Wait et Keep On Keeping On avec sa belle voix féminine, ou plus hargneuse sur les deux morceaux jumeaux Run Away From Her et Running To You.

Les ambiances Chicanos sont très présentes, de Llorona à Eldorado Mi Amor en passant par The Mexican Boy With The Spanish Guitar. La chanson Eldorado Mi Amor cite même Calexico, le groupe américain que les Holy Bones revendiquent comme une de leurs principales influences. Ce son de guitare « twang » caractéristique parcourt l’album au point d’en devenir un leitmotiv qu’on imaginerait bien comme thème récurrent du fameux film fictif. Et dès qu’on rajoute un peu d’écho à bande façon rock’n’roll old school, on est immergé dans une imagerie mythique de l’Amérique. C’est le cas du titre Smoke and dreams qui parle d’hallucinations nocturnes, nostalgie et décadence, pour danser en faisant bouger son cerveau et s’oublier dans la fête.

Le voyage se clôt sur le doux et mélancolique Time Is On Your Side aux arrangements épurés guitare-voix. Une façon de terminer en douceur un périple qu’on peut imaginer à loisir. Ce film qui n’existe pas, c’est à nous de l’inventer dans notre tête. La musique de Holy Bones a le pouvoir indéniable de susciter des images, peut-être qu’un jour le groupe enregistrera réellement la bande originale d’un film. En attendant, à vous d’imaginer à quoi pourrait ressembler celui-ci en écoutant Alma perdida.

© Jean-François Convert – Août 2023

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