Il y a 55 ans, Jimi Hendrix sortait son deuxième album

Le 1er décembre 1967 arrivait dans les bacs ‘Axis : Bold As Love’, le deuxième opus du trio The Jimi Hendrix Experience, seulement quelques mois après le premier.

Deux albums en six mois

La carrière de Jimi Hendrix a été fulgurante. Une renommée mondiale en à peine 4 ans. Et aujourd’hui encore, une reconnaissance dans l’Histoire du rock et de la musique en général qui force le respect. On ne compte plus le nombre de guitaristes et autres musiciens qu’il a influencés, et son apport à l’évolution musicale du XXe siècle reste inestimable.

Ce qui peut surprendre c’est la richesse d’une discographie foisonnante voir pléthorique alors que le divin gaucher n’a vraiment enregistré sa propre musique qu’entre l’automne 1966 où il arrive Londres et septembre 1970 quand il est parti embrasser le ciel. Il y a bien sûr les multiples sessions studio, les nombreux concerts, et les jams nocturnes tardives qui donnent encore aujourd’hui matière à sortir régulièrement des nouveaux disques. Mais au-delà de ces rééditions posthumes, il faut surtout noter que la première année de sa notoriété, Jimi Hendrix publie deux albums grandioses à seulement six mois d’intervalle ! Après la bombe Are You Experienced sortie le 12 mai 1967, le trio The Jimi Hendrix Experience qui a tout juste un an d’existence récidive le 1er décembre de la même année avec Axis : Bold As Love. Et dès l’année suivante ce sera un double album avec Electric Ladyland. Même indépendamment des futurs disques qui paraitront après sa mort, Hendrix était déjà très prolifique de son vivant !

© Denys Legros

Une intro de guitare pour l’éternité

Et j’ai justement lu récemment un commentaire sur YouTube qui faisait le parallèle entre cette carrière météore et le morceau Little Wing : une ballade aérienne et mélancolique qu’on aimerait entendre durer à jamais, mais qui s’arrête trop tôt. Et surtout une intro à la guitare devenue mythique, et sur laquelle tout apprenti guitariste s’est esquinté les doigts, comme l’auteur de ces lignes. L’idée de rajouter quelques notes de glockenspiel sera plus tard reprise dans Drifting, autre sommet hendrixien. Deux exemples parmi d’autres qui témoignent de l’influence soul de Jimi.

Dans cette vidéo, l’ingénieur du son Eddie Kramer nous révèle les coulisses de ce petit bijou, une des plus belles chansons du divin gaucher à mon goût :

Des chansons courtes

Little Wing n’est pas la seule ballade de l’album. On y trouve également le très planant One Rainy Wish, qui rappelle un peu May this be love du premier opus et annonce les futurs Have You Ever Been (to Electric Ladyland) et 1983.. A Merman I Should Turn To Be sur le disque suivant. Et aussi Castles Made of Sand sur un mode légèrement up-tempo au niveau de la batterie, et avec un solo de guitare enregistré à l’envers.

Toujours dans la série Behind The Scenes, Eddie Kramer nous dévoile différentes pistes instrumentales et vocales du morceau :

Jimi nous parle des châteaux de sable qui se fondent, s’effritent et glissent dans la mer, mais il est aussi question de château en Espagne dans Spanish Castle Magic. Un autre titre phare du divin gaucher. Eddie Kramer nous apprend que l’inspiration est venue d’accords jazz que celui-ci jouait au piano dans le studio :

Un autre cheval de bataille des concerts du guitariste, où ce morceau pouvait parfois durer plus du double de sa version en studio. Pour être tout à fait exact, il existe aussi une version longue en studio (5’48), figurant sur le coffret The Jimi Hendrix Experience paru en 2000. Mais la version sur l’album ne dépasse pas les 3 minutes.

D’ailleurs, la plupart des morceaux de Axis : Bold As Love sont courts. Ain’t No Telling dure moins de 2 minutes ! Et hormis l’introduction expérimentale et le morceau-titre final, la moyenne des autres chansons se situe entre 2 et 3 minutes.

Un titre sort du lot : If 6 Was 9 dépasse les cinq minutes, et fait figure d’outsider dans cet album qui sonne globalement très pop, notamment avec la contribution de Noel Redding sur She’s So Fine qu’il a composée et où il chante le lead. Au milieu de chansons courtes et mélodiques, If 6 Was 9 s’aventure sur des territoires musicaux qui ne sont pas sans rappeler Third Stone From The Sun de l’album Are You Experienced?. Du larsen, des effets sonores hallucinants pour l’époque, des guitares qui tourbillonnent de part et d’autre de la stéréo, et un texte obscur qui semble avoir un sens autant politique qu’onirique.

Un album pour l’espace

La dimension onirique des textes de Jimi pouvait souvent donner l’impression d’un auteur sous acide et déconnecté du monde réel. Mais son inspiration provenait aussi de sa passion pour la science-fiction. La célèbre citation du magazine Rolling Stone « Jimi Hendrix jouait le blues du delta… mais ce delta se trouvait sur Mars » résume bien celui qui, enfant, dessinait « un lever de soleil sur Mars » et se retrouvait la risée de toute sa classe. Féru de littérature, le guitariste se passionnait pour les soucoupes volantes et les astres.

Les premières sont évoquées dans le mini-sketch d’introduction EXP où Mitch Mitchell interviewe un certain profeseur Paul Caruso, spécialiste des OVNIs (UFOs en anglais), interprété par Jimi Hendrix : « are there, or are there not flying saucers or UFOs? »).

Quand aux deuxièmes, ils sont à la fois présents dans Up From The Skies (un des premiers morceaux à la wah-wah, tout comme Little Miss Lover, et où Mitchell joue sur une batterie-jouet) et surtout le thème central de la chanson-titre et donc du nom de l’album. Axis fait référence à l’axe de la terre, dont l’inclinaison a varié au cours de son histoire. Une instabilité que Jimi compare aux vicissitudes de l’amour. Il referme ainsi son disque sur une autre pépite dont il a le secret, et que nous détaillent Eddie Kramer, Noel Redding, Mitch Mitchell, et Chas chandler :

Musicalement, c’est encore un tour de force, avec cette rythmique caractéristique d’Hendrix tellement groovy, cette utilisation cosmique de la stéréo, cet effet de flanging à la fin, présent aussi bien sur les guitares que sur la batterie, et ce solo qui a priori aurait été joué sur Les Paul. Une guitare que Jimi a parfois utilisé en concert, bien que forcément moins pratique pour sa position de gaucher, du fait de son unique pan coupé, à la différence des Stratocasters, SG ou Flying V.

Jimi jouant sur sa 1956 Gibson Les Paul Custom © Garry Howard

Quelque soit la guitare, du Jimi ça sonne toujours comme du Jimi. Et ce morceau fait lui aussi partie des incontournables hendrixiens. Une façon de clore cet album Axis : Bold As Love en beauté. Un album sorti il y a tout juste 55 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Décembre 2022

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