Il y a 35 ans, Bruce Springsteen s’échappait en solo avec ‘Tunnel of love’

Le 9 octobre 1987 arrivait dans les bacs cet album crédité au seul nom de Bruce Springsteen, sans le E-Street Band.

Album solo ou pas ?

En 1982, Bruce Springsteen s’était déjà affranchi du E-Street Band en publiant Nebraska tel qu’il l’avait enregistré tout seul sans repasser par la case studio avec son groupe… ou plutôt si, mais avec des essais jugés infructueux. Mais cet album acoustique ressemblait bien à une parenthèse, surtout après le succès phénoménal du disque suivant, Born in the U.S.A. En 1987 il sort ce Tunnel of love qui, bien que faisant appel aux membres du E-Street Band sur plusieurs morceaux, n’est pas considéré par Shore Fire Media (la boite de com de Springsteen) comme un album avec le groupe. La pochette affiche ainsi seulement « Bruce Springsteen », et en 2002 The Rising sera présenté officiellement comme « le premier album studio du Boss avec le E-Street Band depuis Born in the U.S.A.« 

Bruce prend la route en solo ?… Valentine’s Day vu par © Denys Legros

Concrètement, les morceaux sont enregistrés en grande partie par Springsteen seul qui utilise boites à rythmes et synthétiseurs pour s’accompagner, tout en jouant guitare, mandoline, basse, claviers, harmonica… Il fait tout de même appel à ses acolytes sur quelques parties :

  • Roy Bittan : piano acoustique sur Brilliant Disguise, synthétiseurs sur Tunnel of Love
  • Clarence Clemons : chœurs sur When You’re Alone
  • Danny Federici : orgue sur Tougher Than the Rest, Spare Parts et Brilliant Disguise
  • Nils Lofgren : guitare solo sur Tunnel of Love, chœurs sur When You’re Alone
  • Garry Tallent : basse sur Spare Parts
  • Max Weinberg : batterie sur All That Heaven Will Allow, Two Faces et When You’re Alone, percussion sur Tougher Than the Rest, Spare Parts, Walk Like a Man, Tunnel of Love, et Brilliant Disguise
  • James Wood : harmonica sur Spare Parts
N.B. Dans le clip, le Boss mime le solo de guitare qui est en fait joué par Nils Lofgren

Et puis une autre personne apparait, créditée pour la première fois sur un album studio de Bruce Springsteen : Patti Scialfa assure les chœurs sur Tunnel of Love, One Step Up et When You’re Alone

« Le tunnel de l’amour »

En 1987, Patti n’est plus vraiment nouvelle dans l’entourage du Boss puisqu’elle a participé à la tournée Born in the U.S.A. Jusqu’alors professionnelle, sa relation avec Bruce va aller plus loin, ce dernier divorçant d’avec son épouse Julianne Phillips juste après la sortie de l’album et la tournée de promotion. Le chanteur et sa choriste officialiseront leur liaison peu de temps après, se marieront en 1991 et auront trois enfants ensemble. Ils sont actuellement toujours en couple.

De fait, cet album au titre explicite traite des peines du cœur, de l’amour en général, qu’il soit trouvé, perdu ou gâché, le mariage, les peurs et les craintes. Le journaliste du New York Times Jon Pareles a déclaré à l’époque que Springsteen s’était « tourné vers l’introspection » sur cet album, écrivant sur « l’amour qui a mal tourné » en réponse aux changements survenus dans sa vie personnelle, notamment son mariage en miettes avec Julianne Phillips, et sa décision de quitter le E Street Band. Pareles a déclaré que « la plupart des chansons de l’album traitaient de la difficulté d’un amour mature en opposition aux anciens hymnes rock destinés aux travailleurs, auxquels nous avait habitués Springsteen par le passé ».

Tunnel of love scelle ainsi la fin du mariage de Bruce en même temps qu’il pose la première pierre (officielle) de son idylle avec Patti.

Un Springsteen romantique

Forcément, l’incidence musicale pour illustrer ces thématiques est d’avoir des ballades mid-tempo avec des arrangements qui privilégient les nappes de synthés aux riffs de guitares. La voix du Boss est plutôt dans la retenue et joue la carte intimiste sur des mélodies douces et calmes : Two faces, Cautious Man, Walk Like a Man, et les très beaux Valentine’s Day et One Step Up

Le registre épuré culmine sur Caution man qu’on croirait sorti tout droit des sessions de Nebraska, avec sa guitare et sa mandoline. Mais l’arrivée du synthé nous rappelle qu’on est bien dans une production typique de la seconde moitié des eighties.

Pourtant, si on retient un album globalement plus « doux », les parties de guitare solo sont loin d’être absentes : le très rock Spare Parts bien sûr avec aussi son harmonica stridant, mais également Two faces, le morceau titre (solo joué par Nils Lofgren), Tougher Than The Rest, Brillant Disguise

Un artiste éclectique

Avec cet album, Springsteen prouvait qu’il savait aussi écrire, composer, et interpréter des chansons à couleur plus pop. Certain-es l’ont jugé trop mainstream, et n’ont pas apprécié cette voie dans laquelle il s’engageait. Après une mini-tournée avec le E-Street Band (le Tunnel of Love Express Tour), le Boss se lance définitivement en solo pendant plusieurs années, avec la sortie des albums Human Touch et Lucky Town en 1992, suivi de son énorme succès en 1993 avec la chanson Streets of Philadelphia, de la bande originale du film Philadelphia, réalisé par Jonathan Demme, chanson pour laquelle Bruce Springsteen reçoit un oscar.

En 1995, The Ghost of Tom Joad est salué comme un retour aux sources, qui se concrétise quelques années plus tard par la reformation du E-Street Band, très exactement le 9 avril 1999 à Barcelone, prélude à une tournée mondiale. Et le Boss démontrera qu’il n’a rien perdu de son aura rock sur scène. L’éclectisme d’un artiste capable de très belles ballades intimistes et romantiques et même temps que des morceaux puissants et estampillés pur rock’n’roll.

« Two Faces Have I » chante-t-il dans cet album, une dualité qu’il exprimait également dans le film Western Stars. J’ai déjà eu la chance de le voir en concert en 1993 pendant cette période « solo », et je retourne l’applaudir l’année prochaine avec le E-Street Band. Mais finalement, qu’il soit en solo ou avec son groupe historique, Bruce Springsteen reste le Boss. Et il le prouvait une fois de plus dans Tunnel of Love, sorti il y a tout juste 35 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Octobre 2022

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1 commentaire sur “Il y a 35 ans, Bruce Springsteen s’échappait en solo avec ‘Tunnel of love’

  1. Merci pour ce billet autour de « Tunnel of love  » de Bruce Springsteen, disque qui avait la lourde charge en 1987 de succéder au colossal succès de « Born in the USA » .Un album plus en retrait qui ne démérite pas dans sa discographie .

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