Sorti le le 25 octobre, ‘Mon P’tit Loup‘ est un projet collectif initié par Nicolas Puluhen et le label Irfan des Ogres de Barback en faveur de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants.
On entend parler des violences sexuelles faites aux enfants, mais tant qu’on n’y est pas directement confronté, on voit ça de loin. Et puis si on discute avec des proches on s’aperçoit qu’il y en a bien plus qu’on ne le croit. Et c’est en écoutant les témoignages qu’on mesure le traumatisme subi par les victimes. Nicolas Puluhen en fait partie et il a voulu partager son histoire dans le livre Mon p’tit loup (Éditions Maïa), empruntant le titre à une chanson de Pierre Perret qui, dit-il, lui a « sauvé la vie ». dans la foulée, il a créé une association éponyme afin d’aider les victimes d’agressions sexuelles à prendre la parole par des ateliers d’écriture, des conférences et diverses actions culturelles.
Sa démarche se concrétise encore un peu plus avec ce projet de livre-disque, une compilation musicale contre les violences sexuelles. Nicolas Puluhen a contacté ses amis artistes musiciens pour leur demander de prendre la plume et la lyre à ses côtés. Il explique :
« J’ai écrit une lettre personnalisée à plusieurs auteurs compositeurs et interprètes qui ont accepté de se prêter au jeu. J’avais remarqué que ce sujet était abondamment relayé dans le milieu du cinéma, mais à ma connaissance peu de gens prenaient la parole parmi les musiciens et les chanteurs, ces artistes qui, par leurs mots et leurs notes, nous aident pourtant si souvent à vivre. »
Il ajoute : « Ça n’a pas été forcément facile pour eux d’écrire sur le sujet, mais les résultats ont été enthousiasmants, à tel point que d’autres ont rapidement emboité le pas des premiers. Je me suis aperçu à quel point ce thème était inspirant pour des artistes qui dépeignent dans leurs chansons la société et les rapports humains d’aujourd’hui. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la manière dont les auteurs ont chacun utilisé leur sensibilité pour traiter différentes facettes de la nébuleuse complexe que sont les violences sexuelles, qu’ils aient été directement victimes ou simplement observateurs de proches. Cela donne un résultat qui éclaire d’une lumière nouvelle ce fléau qui ronge notre société à l’ombre des silences, une lumière totalement imprévisible et originale ».
Le résultat est un véritable outil pédagogique qui permet d’aborder, sans pathos ni misérabilisme, un sujet encore trop tabou. Ce livre-disque offre à la fois des témoignages touchants d’artistes et 17 chansons, soit inédites créés pour l’occasion, soit des reprises mises au goût du jour.
Didier Wampas offre ainsi une version punk de L’aigle noir, qu’il n’hésite pas à présenter comme « l’hymne des victimes d’inceste ». Même si Barbara n’a jamais clairement explicité son texte, on sait qu’elle a été abusée par son père et que cette chanson peut être lue comme une allégorie de la violence qu’elle a subie étant enfant.
Mon p’tit loup de Pierre Perret qui donne son titre au disque est ici repris par Flavia Coelho accompagnée de la fanfare Eyo’nlé, qui avait suivi les Ogres de Barback sur leur tournée en 2021. Ce projet de livre-disque est d’ailleurs porté par entre autres Irfan, le label des Ogres de Barback. Pas étonnant qu’on les retrouve dans Hé papa qui figurait sur l’album Amours grises et Colères rouges en 2019, ni que Fredo se joigne à Guizmo (Tryo) et Mike & Riké (Sinsemilia) sur Eux, ils parlent de toi.
Tous les titres abordent la thématique de plusieurs façons différentes. Oldelaf parle d’enfants battus dans Boxe à travers son prisme humoristique singulier ; Catherine Ringer évoque de façon imagée le traumatisme vécu en chantant en duo avec Polo (Les Satellites) Sous la mer ; Magyd Cherfi choisit l’angle du silence pour parler du sujet ; tandis qu’Albin de la Simone nous rappelle avec Notre homme que dans la majorité des cas, l’agresseur est un proche de la famille en qui tout le monde a entièrement confiance. Un agresseur à qui s’adresse directement La Rue Kétanou dans Derrière ses cheveux longs. Et justement Les Ogres de Barback ont annoncé récemment leur prochaine tournée avec La Rue Kétanou pour le début de l’année 2025.
Côté musiques, les couleurs sont plus que variées, du créole de Minibus et Ann O’Aro à l’electropop de David Courtin, en passant par la chanson française de Polo et Catherine Ringer ou encore la pop des jeunes lycéennes Mam’zelle Prune & Kamalam. On entend même un morceau qui sonne musicalement très Paul McCartney : Le buissonier. Rien de surprenant quand on sait qu’il est signé et interprété par JP Nataf des Innocents, groupe on ne peut plus influencé par les Beatles s’il en est.
Le très beau Marmouzèt de Donita étend le discours à la planète entière en pensant à tous les enfants victimes dans le monde. La chanteuse a enregistré sa chanson à la Réunion et explique le sens de son titre : « une marmousette, c’est une enfant qu’on méprise. Par ce chant j’ai voulu aborder la vulnérabilité tragique des enfants face au commerce sexuel et la violation flagrante de leurs corps, de leurs droits. »
Donita chante également en duo avec Marie Lanfroy sur le poignant visiter l’enfer. Une sensibilité à fleur de peau des deux voix pour évoquer l’indicible. Glaçant mais nécessaire. Dans le livret, Maëva Le Berre explique très justement : « Aborder ce sujet à travers une œuvre artistique permet de l’appréhender sur le terrain du sensible, laissant à chacun la possibilité de le ressentir et de l’interpréter à sa manière, en fonction de sa propre histoire et selon le rythme qui lui convient. Cela peut être cathartique autant pour le créateur que pour le spectateur, le lecteur ou l’auditeur. La musique et les mots ont ce pouvoir-là, de soulager et de transcender nos blessure intimes. » Cette avant-dernière chanson est la plus belle du disque à mon humble avis.
Et le disque se referme sur un autre superbe titre : Le Loup de Mai Lan, sorti il y a 3 ans. La chanteuse explique que « cette chanson s’est écrite toute seule ». D’abord écrite en anglais, elle parlait d’inceste sans qu’elle ne le comprenne pendant plusieurs années. « C’est mon inconscient qui l’a écrite ». Elle a été le point de départ de son chemin de résilience et de son projet de prévention. Le Loup s’est inscrit en effet dans un projet plus large de prévention contre l’inceste portant le même nom, comportant un album illustré et une vidéo pédagogique destinés aux enfants. La chanson trouve ainsi toute sa place pour clore ce livre-disque Mon P’tit Loup, paru le 25 octobre dernier.
Soutenez ce très beau projet en achetant le livre-disque Mon P’tit Loup. Le rêve de Nicolas Puluhen qui pense déjà à un grand concert de soutien à sa cause ? Amener des mots, des chansons, des voix réconfortantes aux victimes enfermées dans leur silence et les inciter à prendre à leur tour la parole pour les ramener à la vie. Suivez Mon p’tit loup sur les réseaux :
© Jean-François Convert – Novembre 2024