Le 28 octobre 1977 arrivait dans les bacs ce disque de Queen, souvent décrit comme « le dernier album de la période classique » du groupe. C’est aussi pour ma part le dernier que j’aime intégralement.
Sommaire
Un album charnière
Du premier album en 1973 jusqu’à A Day At The Races sorti en 1976, Queen se situait au carrefour du glam, du prog, du hard, de la pop, et même du lyrique. Un cocktail inédit de gros riffs à la Led Zep, d’harmonies vocales à la Beach Boys, de structures complexes typiques prog-rock, d’ambiances rétro styles années folles, sans oublier des incursions dans l’opéra ! Autant dire que la musique du groupe était riche, créative, variée, singulière, et unique.
À partir de la fin des seventies et durant toutes les années 80, Queen s’orientera vers des formats plus mainstream, des chansons plus courtes, des mélodies plus classiques, des arrangements plus communs… et connaitra le succès planétaire que l’on connait. Parcours cousu de fil blanc à l’instar de nombreux autres artistes des même décennies.
L’album News of the World qui sort en octobre 1977 se situe à l’exacte charnière entre ces deux périodes. Si A Day At The Races marquait à mon sens la fin du Queen « première mouture », Jazz en 1978 sera complètement dans la formule pop-rock-disco teintée de hard et parfois de funk qui se poursuivra sur les années suivantes. Entre les deux, News of the World amorce déjà le « nouveau » style du groupe tout en perpétuant quelques aspects de l’ancien.
Le « nouveau » Queen
Déjà, rien qu’en terme de look, les membres du groupe arborent des tenues moins extravagantes que par le passé. Et hormis Brian May qui conserve sa chevelure bouclée, les trois autres se font couper les cheveux. Mercury, Deacon et Taylor apparaissent ainsi « moins seventies » que sur les albums précédents, et commencent à ressembler aux musiciens qu’on connaitra dans les eighties, même si Freddie ne s’est pas encore laissé pousser la moustache.
We Will Rock You
Ce changement d’apparence accompagne bien évidemment de nouvelles couleurs musicales. L’album s’ouvre sur un morceau écrit et composé par Brian May qui ne ressemble quasiment à rien de ce qu’a fait Queen auparavant : We will rock you va non seulement devenir un grand tube du groupe, mais aussi un hymne des stades. Le guitariste l’a d’ailleurs pensé justement pour faire participer le public, invité à scander le rythme en tapant des pieds et des mains.
Moins connue, il existe une version dite « rapide » de We will rock you qui était souvent interprétée au début de leurs concerts, comme on peut s’en apercevoir sur les albums Live Killers, Queen Rock Montreal et Queen on Fire: Live at the Bowl. La version a capella comme sur l’album figurait plutôt en final de setlist, couplée à We are the Champions, comme sur le disque. Les deux chansons sont d’ailleurs toutes deux écrites en réponse à un concert du groupe qui s’est déroulé à Stafford en 1977, où à la fin, au lieu d’applaudir, le public s’est mis à chanter You’ll Never Walk Alone, hymne de supporteurs notamment du Liverpool Football Club, ce qui a stupéfié et secoué émotionnellement les membres du groupe.
Ce même Brian May propose également un pur blues en power trio avec Sleeping on the Sidewalk, la ballade jazzy All Dead, All Dead, et un riff tranchant sur It’s Late, qui pourrait sembler être du classic-rock, mais qui a la particularité d’être séparé en trois actes, à la manière d’une pièce de théâtre. Et c’est aussi une des premières chansons à utiliser la technique du tapping, un an avant qu’Eddie Van Halen ne la popularise.
L’exotique Who needs you de John Deacon tranche lui aussi avec le Queen qu’on connaissait jusqu’alors, mais le morceau de l’album qui symbolise le plus ce virage musical est sans aucun doute Get Down Make Love.
Get Down Make Love
Jusqu’à présent, les pochettes de Queen portaient la mention No synthesisers ! Le groupe affirmant ainsi sa volonté de jouer avec des instruments authentiques et non à travers des outils électroniques. Les albums des années 80 enterreront définitivement cette doctrine et useront au contraire de sons synthétiques.
News of the World a la singularité d’être le premier album de Queen ne comportant pas la fameuse mention… mais pourtant, aucun synthétiseur ne figure sur le disque.
Sur Get Down Make Love, Brian May produit des sons assez inédits avec seulement sa guitare et une pédale d’effet analyseur de fréquence de la célèbre marque Electro-Harmonix. Les version live donnaient l’occasion au groupe d’improviser tout en montrant l’étendue de leur dispositif lumières :
Ce morceau est l’un des plus ouvertement sexuels de tous ceux écrits par Mercury. Mais ce qui frappe de prime abord, c’est son atmosphère musicale, complètement nouvelle dans la discographie de Queen.
My Melancholy Blues
Et justement, en guise de final de l’album, Mercury offre un petit bijou qui de son propre aveu (dans la vidéo ci-dessous) « ne ressemble en rien à ce que nous avons fait avant ». Un blues jazzy, sans chœurs ni guitare, juste le trio jazz par excellence, en soutien du chant : piano, basse et batterie. En concert, Deacon utilisait une basse fretless, mais la version studio est jouée sur une basse standard.
Malgré cette couleur musicale « nouvelle », je trouve que ce sublime final n’aurait pas démérité aux côtés d’anciens morceaux du groupe. Une ambiance qui trouve sa place au sein d’autres influences, plus familières à l’univers de Queen.
Les traces de l’ancien style
Ce qui fait de News of the World un album « charnière » est qu’il ne donne pas à entendre une césure brutale avec le précédent A Day At The Races, mais plutôt une inflexion, certes assumée et franche, mais en même temps tout en finesse et subtilité.
Spread Your Wings
Ainsi, un morceau comme Spread Your Wings de John Deacon n’aurait pas dépareillé sur les albums précédents, même si c’est le premier single du groupe qui ne comporte pas de chœurs. Une ballade puissante où le piano de Mercury répond à la guitare de May. Guitare dont une copie est utilisée pour le clip, afin que l’originale ne soit pas abimée par le froid lors du tournage du clip en janvier 1978 dans le jardin de la maison de Roger Taylor :
Sheer Heart Attack
Ce même Taylor signe deux morceaux dans son style bien à lui : Fight From the Inside et Sheer Heart Attack qui aurait dû figurer sur l’album du même nom en 1974. Pas terminée à l’époque, la chanson apparait donc ici comme une réminiscence du Queen passé, mais réactualisée à la sauce punk, dont le mouvement déferle en Angleterre en 1976. Un titre qui fait ainsi parfaitement la jonction entre l’ancien et le nouveau Queen. En 2011, ce clip avait gagné un concours de vidéos proposé par May et Taylor :
We are the Champions
Mais à mon sens, le morceau de l’album qui transpire le plus le style flamboyant auquel Queen nous avait habitué jusqu’alors, est le hit We are the Champions. Un rythme ternaire qui évoque la valse, des envolées lyriques dignes d’un chœur d’opéra, la guitare virevoltante de May, et la voix de Mercury qui semble trôner au sommet de l’Olympe. Enchainée sur le disque à We Will Rock You, la chanson s’est souvent retrouvée diffusée à sa suite à la radio, les deux titres restant indissociables. Ils ont en effet été tous les deux composés suite au concert du groupe à Stafford en 1977. Deux hymnes de stades pour l’éternité.
All Dead, All Dead
Enfin, All Dead, All Dead, où May assure le chant et le piano en plus de la guitare, baigne dans des couleurs qui sentent encore bon le Queen des seventies : des harmonies vocales de toute beauté et la Red Special qui multiplie les couches pour simuler un orchestre de cordes.
La pochette
La vidéo animée de All Dead, All Dead, réalisée tardivement (en 2018), met en scène le robot figurant sur la pochette de l’album. Il s’agit d’un personnage inspiré de la couverture de The Gulf Between, une nouvelle de Tom Godwin publiée dans la revue Astounding science-fiction, en octobre 1953. C’est Roger Taylor, fan de science-fiction, qui suggère l’idée.
Le groupe contacte le dessinateur Frank Kelly Freas et lui demande d’adapter son dessin original en remplaçant l’humain mort dans la main du robot par les 4 membres du groupe. Le packaging du vinyle original donne à voir deux illustrations grands formats une fois la pochette dépliée :
Avec ce sixième album, Queen affirmait un nouveau son, sans toutefois renier le style qui avait fait sa renommée les cinq années précédentes. News of the World reste pour moi le dernier opus du groupe que j’aime écouter dans son intégralité. Il mêle à la fois ses influences historiques et la modernité qui annonce la suite de la carrière du quatuor anglais. Un album sorti il y a tout juste 45 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Octobre 2022
D’accord avec toi,c’est vraiment un album charnière dans la carrière de queen.
Fan totale de la première partie de leur carrière (j’ai eu la chance de les voir en 1979)
J’ai moins aimé à partir de the game.par contre il y a sur innuendo des morceaux qui me rappelle le grand queen des débuts avec ces cœurs magnifiques ( innuendo et bien sûr shown must go on) en sont de parfaits exemple.
J’ai entendu queen la première fois en 1974 avec queen 2 ,cette voix de Mercury m’avait vraiment marqué et j’ai suivi leur évolution toute leur carrière
merci pour ce témoignage
oui je suis d’accord, Innuendo offre de beaux morceaux, mais pas forcément l’album en entier, contrairement aux premiers… à mon goût en tout cas 🙂
Très belle chronique encore une fois. Bravo
merci 🙂