En octobre 1977, Dire Straits entrait à nouveau en studio pour enregistrer 3 titres destinés à la BBC.
Sommaire
Les « demos de 1977 »
Lorsqu’on parle des « Demos » que Dire Straits a enregistrées en 1977, on les présente souvent comme issues d’une même session. C’était ce que je pensais aussi quand je les ai entendues pour la première fois en 1992, sur une copie cassette du Bootleg Early Demos.
Sorti en CD au début des années 90 sur le label Indian Records, ce disque pirate contient les morceaux suivants (il est normal que n’y figure pas Lions, qui a été composé durant les sessions d’enregistrement du premier album en février-mars 1978) :
- Wild West End
- Sultans Of Swing
- Down To The Waterline
- Water Of Love
- Southbound Again
- In The Gallery
- Six Blade Knife
- Setting Me Up
- Eastbound Train
Les fans Ingo Raven et Thomas Molin en avaient sorti une autre version, avec la vitesse de défilement corrigée, les morceaux mis dans l’ordre du premier album, et le rajout de Real Girl. Puis d’autres versions ont vu le jour avec en plus Where do you think you’re going (issu de la compilation Money for nothing), ainsi que des versions demos de Solid Rock et Tunnel of love. On trouve ces enregistrements depuis longtemps sous divers formats, différentes éditions, et bien évidemment sur YouTube :
Trois sessions différentes
Mais il s’avère qu’en fait ces 10 morceaux (si on compte Real Girl) ont été enregistrés en trois fois :
- 27 (ou 24 ?) juillet 1977 : Wild West End, Sultans of Swing, Down To The Waterline, Water of Love, et la chanson Sacred Loving de David Knopfler, qui ne sera pas retenue.
- Octobre 1977 : Southbound Again, In The Gallery et Six Blade Knife pour la Radio BBC
- 9 novembre 1977 : Setting Me Up, Eastbound Train et Real Girl
Cette information a été révélée dans les années 2000 sur le site officiel MK-News, dans la section Biographies, et plus précisément sur celle consacrée à Mark Knopfler, et rédigée par le webmaster Terry Kilburn :
Les enregistrements du 27 (ou 24 ?) juillet 77 ont fait l’objet d’une édition vinyle il y a quelques années. ► PLUS D’INFOS DANS CETTE CHRONIQUE
La précision des différentes sessions est maintenant rentrée dans les bases de données des labels de bootlegs, comme on peut le voir par exemple dans cette récente édition qui compile les demos de 1977 à 1980, en indiquant les dates distinctes (avec tout de même « l’erreur » du 24/27 juillet) :
Une deuxième session avec trois morceaux
Ce mois-ci, cela fait donc 45 ans que Dire Straits entre en studio pour la seconde fois depuis sa formation à l’été 1977. Alors qu’en juillet il s’agissait de bandes demos destinées à démarcher des maisons de disques et radios (l’opération sera d’ailleurs un succès avec le DJ Charlie Gillett), cette session de novembre est indiquée par Terry Kilbrun « pour la radio BBC », sans plus de précisions. On peut supposer que la radio londonienne avait demandé au groupe des morceaux supplémentaires à ceux de juillet, pour étoffer leur programmation.
Southbound again
Dans cette chanson, Mark Knopfler exprime son mal du pays lors de ses aller-retours entre sa région natale au nord et la capitale anglaise au sud (« southbound » peut se traduire par « en direction du sud »). Un thème qu’il réévoquera bien plus tard dans Fare Thee Well Northumberland sur The Ragpicker’s Dream en 2002.
Côté musique, il joue un riff avec son style en fingerpicking si particulier et une partie solo en plus. Déjà pour ces enregistrements de « demos », le guitariste tient à interpréter lui-même certaines parties rythmiques très distinctes, séparément de ses parties lead, procédé qu’il maintiendra tout au long de sa carrière, et plus particulièrement sur les deux premiers albums de Dire Straits.
Le groove est différent de la version finale qui aboutira sur l’album. Le riff n’emploie pas les mêmes notes, et la batterie de Pick Withers glisse un peu de Cowbell, qui ne sera pas retenue sur le disque. Cette différence d’interprétation peut s’expliquer peut-être par une certaine ressemblance avec Setting me up, et que Mark aurait voulu distinguer sur les versions finales ? En tous les cas, jusqu’à fin 1979, c’est bien sous cette forme que le morceau sera joué en concert, et non comme sur l’album. De la même façon, le deuxième couplet qui n’est pas chanté sur le 33 tours (mais figure sur le livret) s’entend ici, tout comme dans de nombreuses versions live de l’époque.
In the Gallery
Un texte qui évoque la galerie d’art tenue par le père de Steve Phillips et un rythme entre reggae et laid-back. Là encore, Mark interprète plusieurs parties de guitare, comme il le fera plus tard sur l’album. La chanson est déjà dans sa forme définitive et subira beaucoup moins de modifications que Southbound again ou Six Blade Knife.
Six Blade Knife
Cette chanson au texte « aiguisé » sur la relation de Mark avec sa première femme Kathy White dont il a divorcé en 1973 apparait ici dans un tempo bien plus rapide que sa version définitive. On note également une intro plus longue, une reprise du pont et la redite du premier couplet à la fin. Mark joue à nouveau une guitare solo et une guitare rythmique, alors que sur l’album, il ne jouera qu’une guitare solo, laissant la rythmique (discrète) à David.
Le rythme accéléré n’empêche pas d’avoir déjà cette couleur jjcalienne. Une couleur qui sera renforcée sur l’album avec une atmosphère et une progression harmonique très proches de River Runs Deep du maitre.
Cet automne 1977, quatre musiciens continuaient de poursuivre leur rêve débuté quelques mois plus tôt. Ils étaient encore loin de se douter où allait les mener cet enregistrement de trois titres « démos » pour la BBC. C’était il y a 45 ans ce mois-ci.
© Jean-François Convert – Octobre 2022