Le 1er mai 1972 arrivait dans les bacs cet album qui marquait un virage dans la carrière de la reine du folk.
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Une nouvelle direction
En 1972, après avoir enregistré avec le label indépendant Vanguard depuis plus d’une décennie, Joan Baez signe avec A&M, prompt à atteindre un plus large public. Certains y verront un virage « commercial ». Pour ma part, c’est durant les seventies qu’elle va sortir ses plus beaux albums : le magnifique live From every stage (1976), le superbe Diamonds and rust (1975) et donc ce Come from the shadows qui inaugure cette nouvelle direction.
Un morceau emblématique
Le titre de l’album est tiré d’un vers de The Partisan, chanson popularisée par Leonard Cohen en 1969, mais datant de 1943. Originellement appelée La complainte du partisan, son texte évoque la résistance française sous l’occupation. Il a justement été écrit par le résistant Emmanuel d’Astier de la Vigerie, et mis en musique par l’autrice-compositrice-interprète franco-russe Anna Marly (également à l’origine du Chant des partisans).
Le morceau entre dans la culture populaire française dans les années 50 à travers plusieurs interprètes (Les Compagnons de la chanson, Leny Escudero, Mouloudji…) mais c’est sa traduction en anglais par Hy Zaret, qui va lui faire connaitre une seconde jeunesse à la fin des sixties, grâce à Leonard Cohen.
En 1970, Buffy Sainte-Marie reprend la chanson pour la B.O du film Soldat bleu. Joan Baez la reprend à son tour en 1972, mais sans le couplet en français. À la place, elle chante en espagnol. Et elle choisit le vers « Then we’ll come from the shadows » pour titrer son album.
Il est à noter que la traduction d’ Hy Zaret n’est pas tout à fait juste : la version originale française disait « Nous rentrerons dans l’ombre » ce qui aurait dû être traduit littéralement par « We will return to the shadows ». La version anglaise signifie donc l’inverse de l’intention originelle en disant « nous sortirons de l’ombre ». Un adage qui sied parfaitement à Joan Baez et son engagement social et politique.
Un disque commercial ? Non. Politique, oui
« sortir de l’ombre » c’est ce qu’à toujours souhaité Joan Baez, en particulier pour les minorités et les militants. La photo de la pochette montre un couple de personnes âgées arrêté lors d’une manifestation contre la guerre, se tenant la main et faisant des signes de paix pendant qu’on les emmène.
Donc pour celles et ceux qui pensaient à l’époque que Joan Baez prenait un virage plus « grand public », c’est qu’ils n’ont pas prêté attention au message global du disque, notamment à travers cette photo, mais pas uniquement. Sur les notes de pochette figure cette citation de la chanteuse :
Song of Bangladesh rappelle l’attachement de la reine du folk aux combats contre la pauvreté dans le monde. Un an après le Concert Pour Le Bangladesh (et sa chanson de George Harrison), Joan Baez signe à son tour un cri d’alarme pour ne pas oublier les peuples en détresse. Et en reprenant Imagine de Lennon, qui clôt l’album, elle confirme si besoin en était ses valeurs humanistes et ses luttes pour un monde plus juste.
Une mélodiste hors-pair
À l’instar de Bob Dylan, on retient souvent de Joan Baez une parolière aiguisée. Mais ce serait dommage de ne la réduire qu’à l’autrice de protest-songs, certes très fortes en messages. La compositrice sait aussi produire de superbes mélodies et des progressions harmoniques subtiles et raffinées. En témoignent Prison Trilogy (Billy Rose), Love Song to a Stranger, Myths ou To Bobby, adressé à Bob Dylan.
Et à croire que ce don musical est de famille puisque Mimi Fariña, la jeune sœur de Joan Baez, signe In the Quiet Morning, dont la ritournelle ne peut que remporter l’adhésion.
Une chanson dédiée à Janis Joplin, autre chanteuse incontournable de l’histoire de la musique moderne. Joan reprenant une chanson de sa sœur Mimi, en hommage à Janis… On l’oublie parfois, mais le folk-rock-pop c’est aussi souvent une affaire de femmes. Et Come from the shadows est un album qui nous le rappelle, en étant sorti un 1er mai, date emblématique de lutte pour faire changer les choses s’il en est. Un 1er mai 1972… c’était il y a tout juste un demi-siècle aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Mai 2022
Elle avait repris la Colombe de Brel, vers 67,68 je crois. bien engagée aussi cette chanson