Ce vendredi 6 juin est sorti ‘Less is More’, le dixième album studio du duo landais The Inspector Cluzo.
La formule bien connue « Less is More » (« moins, c’est plus ») va comme un gant à The Inspector Cluzo. Ce duo d’éleveurs-producteurs de foie gras basé à Mont-de-Marsan pratique, en parallèle de son activité fermière, un rock brut et sauvage dénué de fioritures, et surtout de basse, dans la lignée des White Stripes, Black Keys et consorts. Une voix, une guitare, une batterie, et de l’énergie à revendre. Du rock brut de décoffrage avec des riffs fuzzy à souhait.
Il faut tout de même nuancer un peu. Car si les rockers-Farmers gascons misent sur l’épure en concert, leurs enregistrements studio font souvent preuve de plus de sophistication. Leur dernier album, bien nommé Less is More sorti vendredi dernier en offre une belle illustration : de la saturation, une guitare et une rythmique chargées à bloc certes, mais qui n’empêchent pas des mélodies ciselées, parfois même des arpèges, des incursions acoustiques, et quelques overdubs pour remplir l’espace sonore différemment que sur scène. La fidèle SG se démultiplie sur la plupart des morceaux, se pare d’echo et de reverb, et ne sonne pas que plein pot, mais également de façon plus subtile avec des interventions bien senties.
Et en plus d’utiliser sa six-cordes judicieusement, Laurent Lacrouts garde toujours une voix exceptionnelle, capable d’exprimer une rage non feinte digne des grands vocalistes du hard-rock, tout en s’envolant dans les éthers avec une déconcertante facilité. Quand il ne se déchaine pas dans une fureur entre grunge, punk ou metal, le chanteur sait aussi nous faire planer avec une voix aérienne, aux couleurs pop sixties. On pense souvent aux grandes références folk-rock de l’époque
Et justement question référence, l’avant-dernier titre est une reprise du mythique Almost cut my Hair de David Crosby, figurant sur le chef d’œuvre Déjà vu de CSN&Y. The Inspector Cluzo reprenait déjà cette chanson lors de la dernière tournée, quelques mois après le décès de Crosby. J’avais pu l’apprécier à l’occasion de leur concert à Lyon il y a deux ans, « une chanson anti-guerre du Vietnam, et qui reste encore aujourd’hui tristement d’actualité ».
Les 11 morceaux offrent des émotions diverses et variées. L’ouverture colle bien à la philosophie d’entraide solidaire prônée par Laurent Lacrouts et Mathieu Jourdain : « nous gagnons ensemble, je perds seul ». Tout un art de vivre.
Est-ce que le deuxième titre « aussi stupide que tu peux » fait référence à Trump ?… Cela pourrait bien évoquer n’importe quel autre « idiot » sur la planète, et dieu sait qu’ils sont légion. Ce qui est sûr que la « ferme à chat » du troisième morceau reflète la vie au domaine Lou Casse (qui signifie « le chêne » en Gascon), tenu par les deux producteurs. Une ambiance reggae détendue mais qui peut rapidement verser dans la déflagration sonore :
Il arrive souvent que les structures des chansons changent en cours de route. On passe de l’électrique à l’acoustique dans We win together I loose alone, le début tonitruant Greenwashers se transforme en ballade champêtre avec mélodie sifflotée, le morceau-titre offre une intro trompeuse en forme d’arpèges cristallins avant de partir sur un rock à fond les ballons. L’excellent Workers, qui on l’imagine rend hommage aux travailleurs de la terre, est le seul ternaire de l’album, des accents blues mais avec une voix encore hallucinante de Laurent, qui tutoie les anges vers la fin. Journey men (« les gens du voyage ») referme le disque en mode acoustique lancinant.
Un opus maitrisé de bout en bout qui synthétise les multiples influences de Inspector Cluzo : Du rock, du blues, du folk, pour accompagner des thèmes chers au duo landais, autour du travail de la terre, de la révolte, de la lutte contre le système, et d’une autre façon de vivre les rapports humains. Chapeau les gars. Keep on rockin’
© Jean-François Convert – Juin 2025