« Rock is not dead ! » a chanté The Inspector Cluzo mercredi soir à Lyon. Un adage qui colle parfaitement au duo landais de rockers farmers, toujours fidèle à son esprit rock depuis 15 ans.
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Mon deuxième concert des Cluzo
Ce mercredi 8 mars, c’était une double première pour moi : d’une part je n’étais jamais allé au Ninkasi Kao, salle du quartier de Gerland à Lyon, et d’autre part je n’avais jamais vu le groupe The Inspector Cluzo en formation électrique. Ce n’était que la deuxième fois que je les voyais en concert, après leur formule acoustique, accompagnés par l’orchestre de Pau, l’année dernière dans leur fief Mont-De-Marsan. J’avais bien sûr une idée en ayant regardé des vidéos, mais c’est autre chose de le vivre. Et déjà rien que la première partie nous a mis dans le bain.
Nate Bergman, un soliste impressionnant
Tenir seul la scène n’est pas chose facile. Surtout quand une partie du public vous écoute à peine et préfère discuter bruyamment au bar derrière la console. Quand un artiste se présente avec une guitare acoustique, on s’attend logiquement à du folk et quelque chose de plutôt doux, comme par exemple Alela Diane. Mais Nate Bergman impose sa présence par une voix forte et puissante, qu’il n’hésite pas à brandir parfois sans aucun accompagnement. Et la guitare électrique (une SG, normal en première partie de The Inspector Cluzo) s’invite aussi sur quelques morceaux. Que ce soit a capella, en acoustique ou électrique, Nate Bergman offre une première partie forte en émotions :
The Inspector Cluzo, un duo puissant
Les deux rockers farmers Laurent et Mathieu arrivent sur scène sans chichi et envoient tout de suite la sauce. Le ton est donné dès l’intro : la soirée sera rock. Brut, sauvage, primal, entier. Seulement deux, et on croit entendre un groupe complet entre grunge, blues et hard rock. On pourrait croire qu’il y a un octaver sur la guitare, tant les graves sont présents, mais non, l’accordage en open tuning permet à lui seul d’avoir plus d’ampleur sonore, et les deux SG (un modèle début 60 avec mécaniques ‘tulipes’ et petite plaque, et un modèle plus récent avec mécaniques chromées et grande plaque) couplées à la tête Marshall et l’enceinte Mesa Boogie offrent un mur du son qui décoiffe. Les bouchons d’oreille, même au fond de la salle, ne sont pas superflus, et l’indicateur de décibels atteint régulièrement les 105…
Rock is not dead
Même si le duo landais parcourt les scènes de France et du monde entier depuis 15 ans (en jonglant avec son activité d’éleveurs d’oies), et a déjà sorti près d’une dizaine albums, les deux musiciens tiennent avant tout à jouer leur dernier opus Horizon, paru fin janvier. Un disque qui démontre que le rock n’est pas mort, n’en déplaise à ses détracteurs qui font souvent preuve de « rockphobie ». 12 titres qui mêlent rock et convictions et nous rappellent qu’il faut « agir local et penser global » mais aussi que « tenir une ferme familiale est plus rock que jouer du rock’n’roll ». Laurent explique les difficultés rencontrées face aux géants de l’agroalimentaire et leurs mesures visant à faire abattre des élevages entiers, même sains, suite aux épidémies de grippe aviaire. La ferme Lou Casse a malgré tout tenu bon et continue de résister en proposant un dispositif « Agro-Ecologique autarcique où l’élevage et l’agronomie sont intégrés l’un à l’autre et vice et versa » :
Intermède acoustique
Une autre chanson d’Horizon nous montre le point de vue des hirondelles qui ont de plus en plus de mal à nourrir leurs petits à cause des pesticides et produits divers qui tuent les insectes. Dans la ferme Lou Casse, il y a encore des hirondelles, tout simplement parce que les Cluzo n’utilisent pas de produits chimiques. Cette chanson installe le moment acoustique du concert. La voix haut-perchée de Laurent nous emmène voler avec les oiseaux à la recherche de la trop rare nourriture :
Reprise de Neil Young
La guitare folk est toute trouvée pour servir de transition vers le morceau suivant : une reprise de Hey Hey My My de Neil Young que le duo a sorti en single à l’automne 2020, dans le cadre des Organic Farmer Seasons, une sorte de parenthèse entre deux albums :
Clin d’œil à Iggy Pop
En enregistrant et mixant à Nashville, les deux gascons ont croisé des pointures du monde de la musique, notamment le producteur Vance Powell (Jack White, Arctic Monkeys, Chris Stapleton, Seasick Steve…). Mais ils ont aussi contacté Iggy Pop au sujet de leur morceau Rockophobia, dont le deuxième couplet évoque l’iguane du rock. « Pour être plus exact, ça parle de la b… d’Iggy Pop » précise Laurent. L’ex-leader des Stooges s’en est amusé et leur a répondu par un message qu’on entend sur le disque. En live, ce blues brulant est l’occasion de faire participer le public sur des chœurs enivrants :
Hommage à David Crosby
Plusieurs stars du rock sont décidemment à l’honneur dans ce concert, et The Inspector Cluzo rend hommage à David Crosby, décédé il y a deux mois, en reprenant l’une de ses chansons emblématiques Almost Cut My hair. À la fin, Laurent rappelle que « c’était une chanson anti-guerre du Vietnam, et qu’elle reste encore aujourd’hui tristement d’actualité » :
Final apocalyptique
L’année dernière à Mont-De-Marsan, le concert était naturellement resté « sage », avec la présence de l’orchestre de Pau (dont un tromboniste, Vincent, était d’ailleurs présent ce mercredi dans le public Lyonnais). Mais là, le duo est revenu au rock brut de ses débuts, avec son final apocalyptique, devenu la marque de ses concerts. « Put your hands up for The Inspector Cluzo ! » crie Laurent, tandis que Mathieu martèle et chevauche sa batterie, après s’être fait porté dans le public :
Rock is dead ? Avec The Inspector Cluzo, sûrement pas. Et ce concert lyonnais l’a une fois de plus prouvé. Laurent a remercié chaleureusement le public de s’être déplacé en nombre, surtout en milieu de semaine, et Mathieu toujours affable a échangé avec nous après le concert. Une soirée comme on les aime.
© Jean-François Convert – Mars 2023