Il y a 55 ans sortait le premier album de Cream

Le 9 décembre 1966 arrivait dans les bacs ‘Fresh Cream’, premier opus du premier ‘supergroup’ de l’histoire du rock.

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En 1966, les sixties sont en train de prendre un tournant. Les Beatles ont basculé dans l’expérimentation avec Revolver, les Stones ont viré pop avec Aftermath, Bob Dylan est définitivement passé à l’électricité depuis l’année précédente et le Festival de Newport… oui la seconde moitié des années 60 va être résolument électrique.

Power trio et supergroup

Et parmi ceux qui vont lancer cette vague très électrique, il y a Cream qui initie deux nouvelles modes. La formule trio guitare-basse-batterie existait déjà depuis les années 50 et les débuts du rock’n’roll, mais ce n’est qu’à partir de Cream qu’on va parler de « Power trio », un schéma qui sera repris par moults musiciens : Jimi Hendrix, Rory Gallagher, Beck-Bogert-Appice, Stevie ray Vaughan, mais aussi les groupes avec un chanteur en plus comme les Who, Led Zeppelin, Free… la liste est interminable. Un trio donc, mais avec du « power », entendez du gros son. Et tout doit concourir à faire monter le volume : un chant hargneux, une basse vrombissante, une batterie explosive, et une guitare saturée.

Eric Clapton a déjà trouvé le son révolutionnaire du British Blues Boom avec les Bluesbreakers de John Mayall, sur l’album ‘Beano’ sorti en 1965. La formule est simple mais inédite à l’époque : une Les Paul branchée dans un Marshall chauffé à blanc. Il reprend cette combinaison imparable lorsqu’il s’associe à Jack Bruce et Ginger Baker, deux musiciens chevronnés de la scène anglaise à l’époque. À eux trois, ils constituent la « crème » du blues-rock Londonien.

Et c’est là la deuxième innovation de Cream : former un groupe avec des musiciens déjà connus et qui ont fait leurs preuves au sein d’autres formations précédentes (Clapton avec les Yardbirds et Bluesbreakers, Bruce et Baker avec le jazzband de Graham Bond). C’est ce qu’on appelle un ‘Supergroup’, et Cream peut se targuer d’avoir été le premier de l’histoire du rock. D’autres verront le jour, soit de façon occasionnelle ou sur la durée : Dirty Mac, Blind Faith, Airforce, Asia, CSN&Y, Little Village, The Travelling Wilburys, ELP, The Highwaymen, GTR… pour n’en citer que quelques-uns (On peut retrouver une liste quasiment exhaustive sur Wikipedia).

Mais très souvent, qui dit supergroup, dit fortes personnalités…

Trois virtuoses

C’est ce qui caractérise Cream dès le départ : trois musiciens de grand talent qui excellent chacun dans son domaine. Clapton est LE guitar hero de l’époque (Hendrix n’est pas encore arrivé…), Baker impressionne par sa double grosse caisse et ses solos de batterie souvent interminables, et Jack Bruce assure à la fois la basse le chant, et parfois l’harmonica ! Trois virtuoses qui resteront ensemble seulement deux ans (de l’automne 66 à l’automne 68), leur séparation étant due en partie à des problèmes d’égo, chose quasiment inhérente aux supergroups. Clapton expliquera plus tard s’être arrêté un jour de jouer en concert et que les deux autres ne s’en étaient même pas aperçus, tellement chacun était dans sa bulle.

Mais pour l’heure, Cream apparait comme une force compacte et terriblement efficace avec des premiers singles et passages télé qui donnent immédiatement la couleur.

Blues rageur et pop acidulée

« LES » couleurs devrait-on dire. Car dès son premier album, le groupe affiche une dualité musicale qu’il conservera pendant les deux années de sa courte carrière : d’un côté un fort volume, des guitares qui saturent et vont même jusqu’au larsen (Clapton est un des premiers guitaristes à utiliser régulièrement cet « effet » au départ indésirable, mais c’est bien sûr Hendrix qui en fera un élément incontournable de la panoplie du guitar-hero), de l’énergie brut de décoffrage pour un heavy-blues-rock qui sort des tripes, et de l’autre une pop psychédélique et sucrée, avec mélodies ciselés, arrangements peaufinés en studio, et par la suite ajouts d’instruments divers (piano, violoncelle, cor, mellotron…).

Même si le blues est très présent avec Spoonful, Cat’s Squirrel, I’m so Glad, Rollin’ and Tumblin’, Sleepy Time Time, Four Until Late… et même si on n’est pas encore dans la sophistication des futurs Dance the night away, As You Said, Passing the Time ou Pressed Rat and Warthog, ce premier album Fresh Cream donne déjà à entendre autre chose que du blues. I feel free, Sweet Wine, et encore plus Dreaming, mixent habilement des couleurs pop et blues-rock ; et le single Wrapping paper, bien qu’il ne figure pas sur l’album original, annonce les différentes directions musicales que Cream empruntera sur ses albums suivants.

Quelque soit le Cream que l’on aime, le groupe pop tout en finesse ou le power trio imposant, il est sûr que ces trois-là ont été précurseurs de tout le mouvement heavy-blues de la seconde moitié des sixties, et qui a ensuite donné naissance au hard-rock. Le premier ‘Supergroup’ sortait son premier album, il y a tout jute 55 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Décembre 2021

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