Le 11 mars 1985 arrivait dans les bacs le neuvième album studio d’Eric Clapton.
J’ai découvert Eric Clapton en juin 1988 lors du fameux concert pour les 70 ans de Mandela, où il jouait en deuxième guitariste au sein de Dire Straits. Oui à l’époque ma culture rock était très limitée, et je découvrais de « nouveaux » artistes tous les jours. J’ai rapidement saisi son statut de star, de guitar-hero et de référence dans l’histoire de la musique populaire du 20ème siècle. Mais, ses premiers albums que j’ai écoutés ne sont pas ses plus grands chefs-d’œuvre auxquels j’ai accédé plus tard.
Les trois opus de Clapton qui ont forgé mes premières impressions en cette fin des années 80 sont issu de la même décennie : Another ticket (1981), Money and cigarettes (1983) et Behind the sun (1985). Tout simplement car ils se sont trouvés facilement à ma portée, le premier par la copie du CD par un camarade de classe, les deux autres par des cassettes empruntées en médiathèque. J’entrais donc dans la discographie de God-Slowhand par une fenêtre très marquée eighties, surtout pour le dernier.


Autant les deux précédents étaient encore dans le style du guitariste, bluesy-country-rock-americana, autant ce Behind the sun opère un véritable tournant musical. Le disque est d’ailleurs très critiqué par la presse qui y trouve trop de synthés et même de la guitare synthétiseur ! On est loin de la légende du british blues Boom qui a « inventé » le combo Les Paul + Marshall au milieu des sixties avec les Bluesbreakers de John Mayall….
L’ancien adepte des guitares mythiques Les Paul, SG, Es-335 ou son inséparable Stratocaster opte en effet pour un modèle Roland G-505 contrôlant le synthétiseur GR-300 en protocole Midi, sur le morceau Never Make You Cry. Et c’est sans compter la profusion sur tout le reste de l’album d’autres synthétiseurs joués par pas moins de six musiciens ! (Chris Stainton, Greg Phillinganes, James Newton Howard, Michael Omartian, J. Peter Robinson, Phil Collins)
L’un d’eux est également à la production… Phil Collins est aux manettes pour forger le « nouveau » son de Clapton, et le moins que l’on puisse dire est que ce ne soit pas ce qu’il ait fait de mieux… il récidivera sur le disque suivant, August en 1988, avant que le guitar-hero ne fasse un retour en grâce avec Journeyman en 1989, et des sonorités plus proches de ses influences passées.
Des synthétiseurs qui remplacent des cuivres sur une reprise du standard Knock on Wood… il n’y a que dans les eighties qu’on osait faire ça ! L’impression de s’éloigner du style Clapton qu’on connaissait tient aussi au fait qu’il y a beaucoup de musiciens différents sur les 11 titres. Jusqu’à cinq batteurs (dont le fidèle Oldaker mais aussi Porcaro) sans compter les percussionnistes, deux bassistes (le légendaire Donal Duck Dunn et Nathan east), des guitaristes vedettes invités mais qui n’interviennent qu’à la rythmique (Steve Lukather et Lindsey Buckingham)… Un trop plein qui ne sert pas vraiment l’album.
Malgré tout, plusieurs bons moments parsèment le disque : le riff de She’s Waiting ouvre efficacement l’album, la disto du solo de See what love can do est baveuse à souhait, Same old Blues instaure un climat pesant que vient trancher la guitare, Just Like A Prisoner offre un duo de batteurs (Collins et Oldaker chacun sur un canal de la stéréo), et le morceau-titre referme le tout dans un joli écrin de douceur.
Plusieurs morceaux seront joués sur la tournée qui suivra : She’s waiting, Same old blues, Tangled in love et Forever Man qui sort en single, accompagné d’un clip vidéo.
Alors oui, Behind the sun n’est pas un grand album de Clapton. Mais je l’écoute quand même encore avec plaisir et une certaine nostalgie puisqu’il fait partie de ma porte d’entrée dans la discographie de cet artiste que j’ai eu la chance de voir en concert l’année dernière. Un disque, ou plutôt une cassette, de mon adolescence qui fête ses 40 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Mars 2025