Sorti en juillet 85, cet album consacrait le succès commercial de Jeff Beck.
Sommaire
Un album très marqué 80
Après There and back sorti en 1980 (► chronique de l’album), Jeff Beck reste 5 ans sans enregistrer de nouveau disque. Puis en 1985 arrive ce Flash qui peut sembler avoir un peu vieilli aujourd’hui. Une production typiquement eighties, jusque dans le design de la pochette.
Le premier titre Ambitious dépeint avec sarcasme les yuppies aux dents longues, jeunes cadres dynamiques ou traders de l’ère Thatcher-Reagan. On est à la même époque que Top Gun avec Tom Cruise. Le clip vidéo renforce encore un peu plus cette satire des années fric :
Certains morceaux tirent un peu trop vers le rock FM, et les arrangements sonnent parfois synthétiques. Mais les sonorités de guitares sont aussi hallucinantes, et Jeff Beck prouve qu’il est un des plus grands influenceurs des shredders des années 80. Toujours ce son venu de l’espace et des solos vertigineux comme dans par exemple le deuxième titre Get us all in the end.
En live il n’y avait bien sûr pas l’effet « bande à l’envers » comme sur la version studio, mais ça n’empêchait pas le guitariste de délivrer des chorus impressionnants :
Une superbe version de ‘People Get ready‘
Le tube de l’album est une très belle reprise de People get Ready de Curtis Mayfield avec Rod Stewart au chant. Le chanteur et le guitariste se retrouvent plus de 15 ans après la première mouture du Jeff Beck Group en 1968. Là encore, un son de guitare à la fois pur, aérien, et bluesy.
Jeff Beck a interprété ce morceau maintes fois en concert avec différents chanteurs et chanteuses, et parfois uniquement en instrumental. Et même Rod Stewart est venu lui faire la surprise sur scène !
Jeff Beck au chant
Particularité sur cet album, Jeff Beck chante 2 titres : Get workin’ et Night after night.
Par le passé, il n’avait que très rarement chanté, par exemple sur Black cat moan dans l’album de Beck, Boggert & Appice, ou quelques titres dans les sixties (et aussi le cas particulier de la talk-box sur Blow by blow). Mais ici, on sent qu’il prend plus plaisir à prendre le micro, même si l’assurance n’est bien évidemment pas celle de Jimmy Hall sur les autres chansons.
S’il s’en sort de façon plus qu’honorable, on imagine tout de même qu’il est moins à l’aise à chanter que pour jouer de la six-cordes…
Et justement, question six-cordes, notre guitar-hero change d’instrument…
Des guitares typiques eighties
Après la Telecaster dans les années 60, la Les Paul et la Stratocaster dans les années 70 et début 80, Jeff Beck opte à partir de 1983 pour des modèles Jackson Soloist. Il en a utilisé a priori deux :
► Une de couleur rose
Elle a servi pour l’enregistrement du solo de Private Dancer de Tina Turner (chanson composée par Mark Knoplfer). Plutôt que de se faire payer pour la session, Jeff a demandé à Tina de lui signer sa guitare, ce qu’elle a fait avec du vernis à ongles ! Le guitariste raconte cette anecdote sur sa page Facebook.
Ce serait également cette même guitare qu’on entend sur les solos de People Get Ready et Ambitious, d’après cette page spécialisée.
Jeff Beck l’utilise lors d’un concert avec Stevie Ray Vaughan en 1984 à Honolulu (► Vidéo YouTube)
► Une de couleur orange
Le guitariste a posé avec elle pour des magazines dans la même tenue que celle qu’il arbore sur la pochette de Flash. On peut donc en déduire sans trop se tromper qu’elle a aussi été utilisée lors de l’enregistrement de l’album :
On la voit également dans le clip vidéo de Ambitious :
Des modèles de guitares qui collent bien avec l’époque, autant en terme de look que de sonorité. C’est aussi ce qui rend Flash légèrement daté.
Jeff Beck peu satisfait de l’album
Le guitariste a admis par la suite qu’il n’était pas raide dingue de Flash :
« C’était un moment triste pour moi. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire ou de ce que l’on attendait de moi. C’était entre les mains des dieux de New York (Nile Rodgers). À ce moment-là, cela semblait juste la bonne chose à faire, essayer d’obtenir un album à succès facile avec Nile. Je n’en ai rien à faire, nous voulions un album à tubes. »
Interview pour le Magazine Modern Guitars (1989)
De fait, le disque sonne effectivement un peu « commercial » avec des arrangements taillés pour la bande FM. Le mélange funk-pop-hard-variété est parfois un peu sirupeux, mais se laisse tout de même écouter agréablement avec du groove bien senti (Ecstasy), des ambiances qui rappellent There and back notamment grâce à la présence de Jan Hammer (Escape) ou Tony Hymas (You Know, We Know), et le chant puissant et gorgé de soul de Jimmy Hall, qui était toujours sur scène avec Jeff Beck en 2018.
Et surtout, un son de guitare qui touche au divin, passant d’un clean feutré à une saturation extra-terrestre, pour des envolées vertigineuses et une maîtrise incomparable de l’instrument.
Au final, un album ancré dans son époque, un peu à part dans la discographie de Jeff Beck, mais qui garde son charme, même 35 ans après.
© Jean-François Convert – Juillet 2020