Le 19 mars 1982 arrivait dans les bacs ce septième album studio de Mike Oldfield.
Sommaire
Un morceau d’ouverture en forme de suite
En 1982, Mike Oldfield poursuit dans la lignée de ses deux albums précédents : Platinum sorti en 1979 et QE2 en 1980. Du premier il reproduit la structure avec un long instrumental couvrant toute la première face et des chansons plus « courtes » sur la face B. Au second il emprunte la couleur musicale en faisant de Taurus II la suite évidente de Taurus I.
À la différence de son prédécesseur, le morceau principal de Five miles out n’est d’ailleurs pas entièrement instrumental puisque Maggie Reily y chante sur deux passages. De plus, la longueur passe du simple à plus du double : 10min17s pour Taurus I, et 24min47 pour Taurus II. Oldfield renoue ici avec ses premières œuvres des seventies en remplissant la durée totale d’une face de vinyle, et en le signant d’un seul titre, alors que la première face de Platinum était découpée en 4 mouvements.
En revanche, musicalement on est évidemment beaucoup plus poche de QE2 que de Tubular bells, Hergest Ridge ou Ommadawn. Et même plus que proche, puisque Taurus II cite des thèmes musicaux de Taurus I, notamment entre 10:03 et 10:43 qui reprend de façon plus rapide la mélodie qu’on entendait sur Taurus I entre 1:13 et 3:35. La partie chantée Deep deep Sound est en fait le contrepoint du thème de Taurus I
Sur son album suivant Crises en 1983, le musicien titrera Taurus 3 un morceau pas du tout dans le prolongement des opus 1 et 2, sans doute en forme de boutade.
Du prog façon Mike Oldfield
Par commodité, on a souvent classé Mike Oldfield dans le rock progressif. Il est vrai que ses longues pièces instrumentales construites à la façon d’œuvres classiques s’inscrivent parfaitement dans la démarche du mouvement prog-rock. Mais le musicien a aussi inséré dans ses morceaux des influences celtiques, et notamment dans Taurus II avec les uilleann pipes jouées par Paddy Moloney (Fondateur du groupe The Chieftains en 1962). Une couleur musicale moins courante chez des artistes comme Yes, Genesis, Pink Floyd, King Crimson ou ELP.
Notons d’ailleurs au passage la présence de Carl Palmer aux percussions sur Mount Teide aux accents presque World music. Le titre vient du volcan Mount Teide sur les iles Canaries. Le morceau est indiqué Mount Teidi sur les éditons CD, alors que le vinyle l’indiquait bien Mount Teide. Il est à nouveau correctement réorthographié sur la compilation The Complete et apparait depuis souvent sous cette forme sur Internet.
Des singles plus pop
Le début de la deuxième face change d’ambiance avec Family man, single destiné de toute évidence aux radios. Même si Oldfield avait déjà amorcé un virage pop sur Platinum avec Into wonderland/Sally, c’est réellement sur Five miles out que le musicien assume pleinement son désir de toucher le grand public avec des singles affirmés.
Outre Family man, le morceau-titre est lui aussi dans une veine pop-rock mainstream, tout en reprenant un des thèmes musicaux de Taurus II (le riff de guitare), clôturant ainsi l’album sur impression de cycle et d’homogénéité. Mike chante à travers un vocoder, en contrepoint de la voix éthérée de Maggie Reilly. C’est la deuxième fois dans la carrière d’Oldfield où on l’entend chanter, après Ommadawn.
La chanson Five Miles out fait référence à un épisode de la tournée d’Oldfield et de ses musiciens en Europe : lors d’un voyage de Barcelone à San Sebastian, l’avion qui les transportait a été pris dans un violent orage qui aurait pu leur être fatal. Il semblerait que le pilote était inexpérimenté ce qui a dû fortement inquiété le musicien, lui féru d’aviation et donc parfaitement conscient des risques encourus !
En marge de l’album sort également le single Mistake qu’on retrouvera plus tard sur la compilation The Complete Mike Oldfield en 1985. Là aussi, la voix de Maggie Reilly chante de concert avec celle de Mike passée à travers un vocoder.
Sur la version ci-dessous, filmée lors d’une émission à la BBC en 1982, Mike tient la basse et tente timidement des chœurs mais sans vocoder, tandis que la guitare est assurée par un certain Tim Renwick, qui accompagnera plus tard Eric Clapton sur sa tournée 1985 et Pink Floyd en 1988 (le live Delicate sound of thunder) et 1994 (le live P.U.LS.E).
Un leitmotiv tout au long de l’album
Mais la deuxième face n’est pas qu’un enchainement de chansons formatées pour produire des tubes potentiels. Un morceau faisant figure d’ovni vient s’intercaler au milieu, comme pour rappeler le caractère progressif-expérimental d’Olfield. Orabidoo débute comme une berceuse, puis bascule dans l’ambiance du morceau-titre avec voix au vocoder et sons aériens mêlés à un extrait sonore du film Jeune et innocent d’Alfred Hitchcock (!), ensuite enchaine différents thèmes musicaux dont certains de Taurus II et même de l’album QE2, et enfin se termine par une douce ballade acoustique guitare-voix où Maggie Reilly démontre l’étendue de sa plage vocale impressionnante, notamment par la note qu’elle atteint à 12:41.
En concert à l’époque de la tournée qui suit la sortie de l’album, la chanteuse ne monte pas autant dans les aigus sur le final. Et le morceau ne suit pas entièrement la structure de la version studio. Le final est dans la deuxième vidéo :
Peut-être le morceau le plus singulier du disque et de toute la discographie de Mike Oldfield. Un mélange d’ambiances très différentes qui semblent partir un peu dans tous les sens mais qui pourtant témoignent d’une volonté du musicien de maintenir un fil conducteur entre les deux faces, à travers ces thèmes musicaux qui reviennent sans cesse, parfois de façon un peu subliminale.
Quant à l’atmosphère enfantine du début et de la fin d’Orabidoo, par l’emploi du glockenspiel, elle renvoie clairement au dessin au dos de la pochette.
Un dessin d’enfant pour conjurer le sort et vaincre le danger d’un trajet en avion qui aurait pu mal tourner ? Bien malin qui pourrait déceler une signification dans la musique de Mike Oldfield en général, et dans cet album en particulier. Un album sorti il y a tout juste 40 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Mars 2022
This is a great album from Mike, all the tracks are strong in my view, the opening track of 24 minutes is very ambitious, but it really well done, Mike’s guitar playing throughout the album is 1st class too. Mike has always had a liking for flying, he used to fly model airplanes around Hergest Ridge, and also in Abbey Road at one time.