Alain Ortéga : quand blues rime avec chanson française

Dans son dernier disque ‘L’âme en Bleu’, Alain Ortéga mêle grands classiques pop ou français revisités dans un style bluesy, avec compositions originales.

© JP Maybon

La culture d’outre-Atlantique n’a pas l’apanage des atmosphères blues. Les mélodies pop du swinging London, tout comme les mots de la langue française peuvent aussi se marier avec une ambiance de guitare slide et des riffs lancinants dignes des blusemen américains. C’est ce que nous prouve Alain Ortega avec aussi bien ses reprises que ses propres compositions.

Son adaptation du célèbre Nights in white satin des Moody Blues (single sorti à l’origine en 1967) rend le titre encore plus crépusculaire qu’il ne l’était. Les différentes guitares électriques qui s’enchevêtrent entre slide et larsen, tissent un mur sonore lourd et pesant, enluminé par les chœurs sur le refrain. Une superbe reprise que pour ma part je préfère à l’original :

Cette ambiance nocturne entre chiens et loup est déjà présente dès le premier titre du disque Le nouveau monde, qui mixe arrangements bluesy et chant slam, avant d’embrayer sur des couleurs plus rock dans le refrain. Des paroles quelques peu désenchantées mais heureusement non dénuées d’espoir :

Et Alain Ortéga affiche clairement le tribut qu’il doit au blues en reprenant un standard du genre : You gotta move de Mississippi Fred MacDowel, popularisé entre autres par les Stones sur leur album Sticky fingers en 1971 (un demi-siècle dans deux semaines, chronique à suivre). Une version live qui accentue encore plus l’aspect incantatoire du morceau. D’abord seule, la guitare slide est rejointe par un saxophone inattendu qui apporte une couleur singulière.

Et comme pour enfoncer le clou, la chanson suivante en reprend le titre, associé à l’un des termes les plus courants dans le blues : le « mojo ». Avec son riff typique, agrémenté d’harmonica poisseux, Take your modjo, you gotta move nous transporte vers des paysages entre Bayou, plaines du Nevada et route 66 :

Puis on retraverse à nouveau l’Atlantique pour revisiter un monument de la chanson française : Amsterdam de Jacques Brel (dont on fêterait aujourd’hui les 92 ans) prend ici des allures de valse-blues à la mode irlandaise que n’aurait sans doute pas renié un Rory Gallagher. La mélodie issue de Greensleeves devient écorchée et rugueuse, et l’ambiance rock qui s’en dégage rappelle si besoin en était que Brel était tout sauf un auteur mielleux :

La troisième composition originale du disque, Bleu, offre un texte qui cherche à soigner les bleus de l’âme, sur une musique résolument rock. Et l’album se clôt sur une ambiance plus légère et exotique avec une adaptation de la chanson de Bourvil La ballade irlandaise, en mode mi-latino mi-tex-mex. Une façon de réaffirmer que si le morceau est bon au départ, il peut se jouer dans quasiment n’importe quel style :

Alain Ortéga n’est bien sûr pas le premier à faire rimer langue française et couleurs blues-rock. On pense notamment à Paul Personne, Louis Bertignac, Trust, Johnny, Téléphone, Bill Deraime, Patrick Verbeke, et bien d’autres, comme par exemple plus récemment Rod Barthet. Mais l’originalité tient ici aussi au fait de se réapproprier des classiques et de les faire sonner comme des vieux blues. Une démarche originale et qui mérite qu’on s’y attarde, pour redécouvrir ces morceaux sous un jour nouveau, et par la même occasion entrer dans l’univers musical prenant d’Alain Ortéga.

Alain Ortega est par ailleurs le fondateur de l’association Musikovent

© Jean-François Convert – Avril 2021

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1 commentaire sur “Alain Ortéga : quand blues rime avec chanson française

  1. Éclectisme dans ses reprises, une voix rauque (rock) qui rappelle Jonnhy Cash, avec un empreinte personnelle des covers.

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