‘Durango’, le western spaghetti en BD

Aujourd’hui est sorti ‘Oro maldito’, le tome 19 de la série ‘Durango‘, une bande dessinée que je suis depuis mon adolescence.

16 octobre 2024. je viens de m’acheter Oro maldito, le tome 19 de la série Durango. Cette bande dessinée je l’ai découverte je crois vers 1986. J’avais 15 ans et j’étais passionné de cinéma, en particulier des westerns, et surtout des westerns spaghetti. Je connaissais par cœur Pour une poignée de dollars, Le bon, la brute et la truand, Il était une fois dans l’ouest… Côté bandes dessinées, outre XIII, j’aimais beaucoup celles qui se déroulaient au Far West telles Blueberry, Comanche, Lucky Luke, Les Tuniques Bleues, Jerry Spring, Les Aventures de Chick Bill… Mais je ne retrouvais dans aucune cet univers si particulier du western italien. Seul Gotlib dans sa Rubrique-à-brac avait su retranscrire à sa façon les codes du cinéma de Leone :

Il avait même transposé Lucky Luke dans ce monde décalé :

Mais mis à part ces parodies, les autres BD westerns me semblaient bien éloignées du cinéma que j’adorais. Aussi quand un jour je suis tombé par hasard (je pense d’ailleurs en allant acheter le Tome SPADS de XIII à la librairie L’étoffe des Héros, rue Sainte-Catherine à Saint-Etienne) sur la couverture du Tome 3 de Durango, Piège pour un tueur, je ne pouvais qu’être instantanément happé par un élément marquant : le héros arborait un pistolet automatique Mauser C96, comme celui joué par Jean-Louis Trintignant dans Le grand silence de Sergio Corbucci.

Et en feuilletant les pages, je découvre sur la première planche une référence à la scène chez l’armurier dans Le bon, la brute et la truand ! Cette même planche affiche un dialogue entre Durango et le commerçant Hans (parfait portrait de l’acteur Enzo Petito qui joue dans le film de Leone) qui évoque un pistolero muet à qui a appartenu le fameux Mauser… histoire de compléter le lien avec Le grand silence. Même le recto insiste sur cette arme particulière qui était un des éléments embélqtique du film de Corbucci.

Et quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le visage de Durango a les traits pas si éloignés de Jean-Louis Trintignant ! En fait, le premier opus de la série Les chiens meurent en hiver est carrément calqué sur le long-métrage : même décor enneigé (Wyoming pour la BD, Utah pour le film), intrigue similaire d’une petite ville sous le joug d’une bande de malfrats auxquels va s’opposer une homme seul, et surtout, le méchant Angus Reno est le portrait craché de Klaus Kinsksi qui joue le non moins méchant Tigrero à l’écran.

La planche 7 de la BD reprend quasiment à l’identique des plans de la première séquence du film (le générique, servi par la magnifique musique d’Ennio Morricone) : le héros sur son cheval chevauchant dans la neige au milieu des bois, et lutant contre le blizzard.

D’autres clins d’œil sont disséminés dans les différents albums (certains que j’avais décelés par moi-même, d’autres redécouverts grâce à Wikipedia) :

  • Clint Eastwood apparait page 32 du Tome 3 Piège pour un tueur
  • Lee Van Cleef semble avoir inspiré le personnage de Ryan, dans le Tome 9 L’or de Duncan (L’acteur porta d’ailleurs le même prénom dans le film La mort était au rendez vous.)
  • Eli Wallach est représenté dans le Tome 10 La proie des Chacals en tant qu’acolyte d’Alonzo, à partir de la page 23.
  • Dans le tome 3 Piège pour un tueur, la gare où débarque Durango au début de l’album est très similaire à celle du début du film Il était une fois dans l’ouest
  • Le personnage de Logan, présent dans le cycle initié par l’album Amos, s’inspire visiblement des personnages d’assassins incarnés par Jack Palance dans les deux westerns révolutionnaires de Sergio Corbucci, El Mercenario et Companeros, personnages caractérisés par la cruauté et un certain dandysme. La reprise des traits de l’acteur américain confirme cette référence.
  • Dans le même cycle, le personnage d’Amos Rodriguez emprunte l’apparence de l’acteur Tomás Milián tel qu’il apparaît costumé et coiffé dans le western de Sergio Sollima Il était une fois en Arizona. L’habileté au couteau dont se vante le personnage dans les premières pages de l’album Amos est sans doute un autre clin d’œil au personnage de Cuchillo Sanchez, incarné par le même Tomás Milián dans un autre grand western de Sergio Sollima, La resa dei conti.
  • Dans l’album Sans pitié, le marshal Reton est très certainement inspiré de l’acteur anglais John Cleese qui a tourné notamment dans Silverado, où il tenait le rôle d’un shérif.
  • Dans Jessie, le shérif Larry Haynes est inspiré par Timothy Olyphant lorsque ce dernier interprétait Seth Bullock dans la série Deadwood.
  • Dans Jessie, Franck est inspiré de Henry Fonda. Le décor intérieur du saloon tenu par Elmer et Angie est inspiré de celui présent dans le jeu red dead redemption. P.42, l’homme disant a Franck « on a un souci » est inspiré par Jack Elam dans Il était une fois dans l’ouest.
  • On peut apercevoir Lucky Luke à la page 11 de l’album L’or de Duncan.
  • Il en est de même pour le lieutenant Blueberry et son compagnon Mc Clure à cheval de dos à la page 17 de l’album Sans pitié.
  • Enfin, on peut noter une certaine ressemblance entre le visage de Duncan et celui de Cheyenne dans Il était une fois dans l’ouest.
  • Enfin personnellement, je trouve que le tueur à gages dans Piège pour un tueur ressemble à James Coburn

Toutes ces références ne pouvaient que me plaire et j’ai plongé dans l’univers de Durango en guettant la sortie de chaque nouvel opus. D’abord à des fréquences quasi-annuelles, puis de plus en plus espacées. A noter que Viol à Grey Rock paru en 1980 dans la revue Sextar est souvent considéré comme le Tome 0 de la série Durango, bien qu’il s’agisse d’un récit indépendant et dont le personnage s’appelle différemment.

Avec l’épisode Sans pitié qui sort en 1998, et l’auteur Yves Swolfs se tournant vers d’autres séries comme Dampierre et Le Prince de la nuit, il semblait bien que Durango tenait là son épilogue…

Mais à ma grande surprise, Durango revient en 2006. Avec toujours Swolfs au scénario mais cette fois Thierry Girod, puis Iko au dessin. L’esprit reste le même, le coup de crayon change un peu.

Et de 2022 à 2024, une trilogie Durango La Jeunesse est dessinée par Roman Surzhenko. Toujours écrite par Swolfs, elle relate l’origine des débuts de Durango comme pistolero émérite. L’idée de retracer la jeunesse du héros avait déjà été utilisée pour Blueberry, référence s’il en est dans le western en bande dessinée.

Aujourd’hui, 16 octobre 2024, je vais lire Oro maldito le tome 19 de cette série que j’ai entamée il y a presque 40 ans… Une madeleine de Proust personnelle que je vais aller savourer avant de me coucher. Et ce nom de Durango me renvoie à une autre madeleine de mon adolescence : quand Yves Montand chantait la version anglaise de Syracuse, c’était tout bonnement « How I would love to see Durango… » Les Westerns, les BD, Yves Montand… Où sont passés mes 15 ans ? Ils sont toujours là… dans ma tête et dans mon cœur.

© Jean-François Convert – Octobre 2024

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