Jeudi soir au Transbordeur à Lyon, Matmatah a mis le feu. Et le public regroupait plusieurs générations pour ce groupe qui fêtera bientôt ses 30 ans de carrière.
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Matmatah c’est « vieux » ?
La perception de « vieux » est décidemment bien subjective. Jeudi soir, quand je vais voir Matmatah en concert, je sais bien évidemment qu’il s’agit d’un groupe né en 1995, et que par conséquent il va bientôt fêter ses 30 ans d’existence. Mais dans mon esprit, les années 90, c’est « récent », surtout en regard de la musique que j’écoute qui se situe principalement dans les années 60 et 70, et un peu 80. Sauf que dans le bus qui m’emmène au Transbordeur, j’entends quelqu’un parler au téléphone à côté de moi : « oui là je vais au concert de Matmatah, non tu ne connais pas, c’est vieux, j’écoutais ça quand j’étais étudiant… »
Matmatah c’est « vieux » ??? Mince alors, je ne l’avais pas vu comme ça, moi qui écoute Dire Straits, Pink Floyd, Jimi Hendrix, les Beatles, les Stones… sans parler de Brel, Brassens, Montand ou Trenet ! En tous les cas, vieux ou pas, les rockers bretons continuent de remplir les salles, et ce jeudi 30 mars affichait complet comme toutes les dates depuis le début de la tournée.
Cancre en première partie
La soirée est ouverte par le trio Cancre, des bretons également. Belles mélodies, harmonies vocales soutenues par une Jazzmaster au son parfois cristallin, parfois saturé. Et une magnifique chanson sur les violences faites aux femmes, interprétée en piano-voix, avec le claviériste de Matmatah.
Une ouverture qui envoie
Après un bref changement de configuration des instruments, agrémenté de musique qui ne fait pas de jaloux entre les pro-Lennon et les pro-McCartney (on entend aussi bien Instant Karma que Nineteen Hundred And Eighty Five), Matmatah entre en scène. D’emblée le gros son et l’énergie rock comme on aime. Vieux les rockers bretons ? En tout cas ce n’est pas l’impression qu’ils donnent avec cette ouverture Obscène Anthropocène suivi par Le rhume des foins, deux titres de leur dernier album Miscellanées Bissextiles sorti début février (► ma chronique sur franceinfo ).
Viennent ensuite d’anciens morceaux comme La Cerise ou Au conditionnel repris en chœur par le public, ou des plus récents tels Marée haute et Nous y sommes. Stan le chanteur ironise en disant « On avait écrit une chanson qui parlait de la république…. en fait c’est une chanson qui parle de la monarchie ».
Léo le p’tit nouveau
On revient au dernier album avec le morceau Hypnagogia, annoncé par « on va faire une petite sieste ». L’ambiance est en effet planante, des commentaires dans le public évoquent les Beatles ou Pink Floyd. Sensation renforcée par le clavier très Strawberry fields, mais surtout les guitares aériennes, notamment celle de Léopold Riou qui délivre un solo final dantesque.
Ce jeune guitariste est le dernier arrivé dans Matmatah, en mai 2022. Avec le pianiste Julien Carton présent depuis 2017, ils complètent le trio historique Tristan ‘Stan’ Nihouarn (chant, guitare, harmonica, flûte), Éric Digaire (basse, chant) et Benoît ‘Scholl’ Fournier (batterie). Léo apporte une énergie juvénile imparable en courant et sautant partout. Il s’amuse aussi à haranguer le public, plus tard dans le concert sur Le festin de Bianca, et prend même le micro sur La dernière aventure d’Archie Kramer. Stan plaisante en lui disant « Tu te rends compte le nombre de trimestres qu’il te reste à faire ? »… Vous avez dit « vieux » ?
Ce soir, Léo est un peu la star locale pour ce concert, car il officie également au sein du groupe lyonnais Kitch. Et le public le lui rend bien, avec une clameur non feinte en réponse à « Y’a des kitch-maniaques ce soir? » lancé par Stan, qui présente le jeune guitariste comme « le régional de l’étape ».
La Bretagne à l’honneur
Les clins d’œil régionaux font d’ailleurs mouche à chaque fois. « On va vous parler de la plus belle ville du monde…. à savoir…. Saint-Étienne !…. mais non j’déconne… c’est Brest ! » Après un faux départ (« tu nous dis quand t’es prêt »), le dernier single Brest-Même et son décor portuaire en fond de scène rappelle les origines brestoises du groupe, tout comme Les demoiselles de Loctudy et sa ritournelle celtique. Dans la fosse, un drapeau de Bretagne se balance au rythme des chansons, et Matmatah n’oublie pas ses premiers succès qui le plaçaient en héraut du rock breton. Emma chanté presque a capella emmène le public dans une nostalgie émouvante.
Le dernier album est à nouveau mis en avant avec Fière allure, chanté par le bassiste Eric, et Populaire précédé d’une blague sur l’ancienneté fantasmée du groupe : « tu peux nous remettre la même lumière que lors de notre passage à L’Olympia en 64 ?… » Lé réflexion que je me suis faite dans le bus trouve ici son écho…
Final euphorique
Et puis bien sûr, l’inévitable tube Lambé An Dro vient clore la setlist et suscite l’enthousiasme débordant dans l’assistance. Le rappel ne se fait pas attendre et on a droit à rester dans l’euphorie bretonne avec Les Moutons, puis une reprise de Heroes de David Bowie, comme le groupe en faisait à ses débuts. Et pour ajouter un peu plus de nostalgie, Léo utilise la première Strato que Stan jouait à la formation du groupe. « une guitare plus vieille que celui qui en joue ! » précise le chanteur.
Et comment ne pas terminer avec L’Apologie, titre culte qui leur a valu les foudres de la bien-pensance et même de la justice. Solo de batterie, public à l’unisson et fin de concert en apothéose. En saluant, Stan dit « c’est cool chez toi Léo ! ».
Le jeune Léo qui a donc joué sur une guitare plus vieille que lui… Moi forcément, quand je pense « vieille Strat », je pense au minimum années 70, voire 60, pourquoi pas la même année que L’Olympia par exemple😉… Sauf qu’en discutant avec les musiciens après le concert, Stan m’apprend qu’elle est de… 92 ! Et moi j’ai eu ma première copie de Strat en 1991…🙄
Voilà, on y est… une guitare qui date de 1992 est aujourd’hui « vieille », et je suis allé voir en concert un « vieux » groupe » des années 90… je n’arrive pas à m’y faire… surtout que dans un mois et demi, je vais voir Bruce Springsteen… alors il est quoi lui ? Antédiluvien ? 😳
En fait ce qui compte, c’est de savoir si c’est de la bonne musique ou pas, hein. Et jeudi soir, ce n’était pas de la bonne, mais de la très bonne musique. Dépêchez-vous de regarder les prochaines dates de concerts de Matmatah, il vous reste peut-être encore une chance d’assister à un excellent concert de vieux. 🤘 😁
© Jean-François Convert – Mars 2023