Un panel de différents albums de jazz et apparenté au sens large, sortis au cours des douze derniers mois, ou en prévision pour les prochaines semaines.









Sommaire
Menalua : Premier printemps – 6/6/25
Le nom Menalua est la contraction de “Menina da lua” (« Fille de la Lune » en portugais et clin d’œil à la sublime chanson de Renato Motha). Au départ duo entre la chanteuse-pianiste Mathilde Gardien et le guitariste Romain Salmon, le groupe s’est transformé en quartet avec l’ajout d’une contrebasse et une batterie. Les musiques s’inspirent du Brésil, mais aussi du jazz vocal avec de nombreux passages en scat. Parallèlement, beaucoup de morceaux sont imprégnées de couleurs orientales avec l’utilisation récurrente de gammes mineures harmoniques. La guitare se fait aussi parfois planante et exotique.
Les textes alternent français, anglais, et onomatopées caractéristiques du scat. Menalua est en concert au Sunset ce mercredi 24 septembre, pour une release party de l’album Premier printemps, sorti le 6 juin dernier. Le groupe, lauréat du tremplin national de Vannes Echos Jazz se produira également le 09 octobre à Jazz in Fort l’Ecluse (Suisse), te le 10 octobre à La Caverne Jazz (Marseille). Retrouvez toutes leurs infos sur les réseaux sociaux :
Charlotte Reinhardt : Fables Deluxe – 12/9/25
Petite nièce de l’illustre Django, Charlotte Reinhardt est une pianiste, chanteuse, compositrice et productrice qui partage sa vie entre la France et les montagnes espagnoles de Cantabrie. Son dernier album Fables est sorti une première fois en novembre 2024. Il a été réédité le 12 septembre dernier avec quatre nouveaux morceaux inédits : Soleil filaments, Tales of nothing, Petit fauve et Albatros. Au sujet de ce dernier, elle explique : « Avec Albatros, j’ai voulu composer un espace de liberté, porté par une boucle pianistique qui se déploie comme un vol. Ce morceau est un piano solo entre liberté et lumière, où mes influences classiques se mêlent à une respiration jazz. Sa boucle principale, simple et obsédante, se déploie comme un battement d’ailes vers un ailleurs lumineux. »
Ces quatre Bonus Tracks restent bien dans l’esprit de l’album qui mêle voix éthérée, piano envoûtant et ambiances hypnotiques, parfois renforcées par des cordes mystérieuses. On s’éloigne du jazz traditionnel, mais avec un patronyme aussi renommé, Charlotte Reinhardt apparait malgré elle souvent dans le répertoire jazzy. Sa musique s’en affranchit pleinement pour tendre vers un onirisme lyrique et majestueux.
The Magic Lantern : To everything a season – 11/10/24
The Magic Lantern est le nom de scène de l’auteur-compositeur-interprète Jamie Doe, un artiste qui navigue entre le folk, jazz et musique contemporaine. Son cinquième album To Everything A Season a été écrit et enregistré dans les mois qui ont suivi la naissance de sa fille et la mort de son père six semaines plus tard. Lors de leur brève rencontre dans une maison de retraite, les deux extrémités du cercle de la vie se sont touchées. À propos de ce moment cathartique, Jamie déclare : « Je me suis vu dans mon père, et ma fille en moi, et j’ai ressenti de la joie et du chagrin dans des vagues qui se chevauchaient ». Dès l’ouverture Trembling, on est submergé par cette mélancolie, avec une ambiance à mi-chemin entre folk et jazz.
Les arrangements délicats font appel à un septet issu de la scène jazz florissante de Londres, comprenant Fred Thomas (basse) (Artiste ECM), Matt Robinson (piano), Dave Hamblett (batterie) et Keiran McLeod (trombone), complété par le saxophoniste ténor français Robin Fincker et le joueur de bugle suisse Matthieu Michel (ECM records). Les 10 titres ont été enregistrés en direct pendant quatre jours au légendaire studio La Buissonne en France par Gérard de Haro.
Sur le plan lyrique, To Everything A Season est la réalisation la plus puissante et la plus aboutie de The Magic Lantern, une œuvre mature qui fait de Doe l’un des paroliers les plus sûrs d’aujourd’hui. Sur cet album, il a créé un ensemble de chansons qui examinent la profondeur illimitée de l’expérience humaine avec des résultats dévastateurs et joyeux.
Emmanuel Bex : Eddy m’a dit – 11/4/25
Grand maitre de l’orgue Hammond, le jazzman français Eddy Louiss est mort il y a 10 ans, le 30 juin 2015. Le claviériste Emmanuel Bex lui rend hommage dans cet album Eddy m’a dit , sorti au mois d’avril dernier. Les 14 titres naviguent entre bossa funky (Dum Dum – Our kind of Sabi), incantation lyrique (Le petit Tavy), groove latino (Les Éléphants), blues planant (Eddy), swing soul (Come on DH, Romance), comptine transcendée (Colchiques dans les Prés), béguines ensoleillées (La Biguine, Romance, Eddy m’a dit), exotisme dissonant (Caraïbes), jazz rock halluciné (Blues for Eddy), ou expérimentations electro (Espanöl) .
L’univers musical d’Eddy Louiss était multiple, et Bex en restitue toutes les influences en s’adjoignant les talents de pointures du jazz français, entre autres : Simon Goubert, André Minvielle, Phil Reptil, Arnaud Dolmen, Michel Alibo, La grande soufflerie et la Fanfare du Carreau… un artiste majuscule célébré par un autre autre artiste majuscule.
Ariel Bart : After silence – 19/9/25
Vivant à Berlin, Ariel Bart a débuté l’harmonica chromatique dès l’âge de 7 ans, sorti son premier album, In Between, en 2021, puis son deuxième, Documentaries, l’année suivante. Cette fois-ci, à la tête d’un trio violoncelle, piano et harmonica, la jeune compositrice et musicienne sort un troisième album dans sa discographie, mais le premier avec Ariel Bart Trio. La combinaison de ces trois instruments est assez unique, et donne au disque une atmosphère singulière, une musique très originale et chaleureuse.
After Silence est un moment de réflexion. L’album explore les éléments invisibles … On émet très souvent beaucoup de suppositions sur les gens, les choses, les cultures … tout simplement car il est plus facile de mettre des mots sur ce que l’on voit, plus que sur ce que l’on ne perçoit que très peu, ce qui est caché derrière la porte tous ces petits détails très importants. De cet album se dégage une atmosphère cinématographique, chaque titre développant une ambiance très picturale.
Giacomo Smith & Mozes Rosenberg : Manouche – 23/5/25
Giacomo Smith est né en Italie mais élevé dans l’État de New York. Il découvre le jazz grâce à la passion de sa mère pour Dave Brubeck. Il commence le piano à l’âge de 5 ans, puis s’initie à la clarinette à 10 ans, et bientôt au saxophone. Son intérêt pour le jazz et la musique classique ne cessera de s’approfondir au fil des années. Son intérêt pour le jazz manouche s’éveille il y a 15 ans, en passant en boucle un vinyle de Django Reinhardt de son colocataire. L’album mettait en valeur le jeu de guitare fulgurant de Reinhardt, bien sûr, mais également le jeu de clarinette d’Hubert Rostaing. Smith n’avait jamais entendu une clarinette jazz comme celle-ci, virtuose et swing, sans batterie pour masquer les fréquences graves des instruments à vent.
Il rencontre le guitariste Mozes Rosenberg, musicien néerlandais, apparenté à Django Reinhardt, et avec qui il enregistre cet opus Manouche où la clarinette et la guitare se répondent à merveille.
Les 10 morceaux reflètent parfaitement l’esprit du jazz manouche, que ce soit par le swing délicieusement nonchalant de Embraceable You et Dream of you, ou celui véloce et entrainant de After You’ve Gone, The Sheik of Araby, Festival 48 et Tiger Rag, mais aussi les valses Indifference et Panique, l’invitation à la flânerie sur Begin the Beguine, ou encore l’envie de voyages avec Beijinhos.
Sinne Eeg & Jacob Christoffersen : Shikiori – 5/9/25
Déjà 10 ans que la chanteuse et le pianiste, tous deux danois, collaborent ensemble, mais ils n’avaient encore jamais enregistré d’album. C’est chose faite avec Shikiori sorti le 5 septembre. Un piano sobre, une voix sensuelle, et la magie opère directement dès l’ouverture Losing you. Bercés par la puissance vocale de Sinne Eeg à l’intensité emotionnelle instantanément palpable, on pense aux grandes divas du jazz. Les 12 chansons sont pour la plupart en anglais, mais aussi en japonais (Soba Flower) et même une incursion dans ce qu’on pourrait appeler du « scat lyrique » sur Hebi ou le très beau final Soba.
Des tempos lents, des couleurs majestueuses, un jazz classieux qui respire l’atmopshère d’un club huppé et select (Losing You, Lush Life, Cold, A Second Chance at Love, Don’t Be so Blue), avec parfois un léger brin de folie (Better Than Anything avec son rythme syncopé, le standard But not for me, les deux agrémentés d’un scat malicieux) et des vocalises impressionnantes (Maria). Un album pour fin de journée et ambiance tamisée.
Sinne Eeg :
Jacob Christoffersen :
Gaël Horellou & collectif Identité : Kouler Fitir – 27/9/25
Il s’agit du 4ème opus du projet “Identité”, un collectif initié par le saxophoniste Gaël Horellou réunissant musiciens de jazz et de maloya, qui est avec le séga, l’un des deux genres musicaux majeurs de La Réunion. La singularité de cet album tient à la présence de Fabris Coupama, chanteur iconique de l’île de la Réunion, et à l’intégration d’électronique dans les arrangements de certains titres. Ce disque présente ainsi un savoureux cocktail entre jazz et tradition réunionnaise (particulièrement dans Lo ron péy, Lemosyon tangué ou Zarlor Zarboutan), mais ose aussi s’aventurer vers des sonorités plus modernes, voire légèrement rock, qui par moment font penser à Santana (Payanké, Kalmannpinn Doudoudoudssminm, Blues kréyol, Bana i di).
L’album sort ce vendredi. Le single Payanké qui ouvre l’album, ici dans sa version coupée pour la radio qui malheureusement occulte le solo de guitare très santanesque :

Cyril Benhamou : H.O.T (Heart Of Town) – 14/11/25
Cyril Benhamou est pianiste et multi-instrumentiste. Accompagné par Pascal Blanc à la basse et Jérôme Mouriez à la batterie, il forme un trio qui explore les frontières entre jazz, groove et musiques actuelles. Dès l’ouverture Irish Dance, on sort des sentiers battus du piano jazz. Un violon violoncelle (ou violon, ou alto) vient se joindre au trio sur le deuxième titre Estie’s Dream pour apporter une couleur étrange, avec de harmonies inquiétantes. Sorti en single cet été, Hip Hop des Kids opte pour une rythmique résolument moderne comme son titre le laisse penser, mais le leitmotiv obsédant n’empêche pas l’improvisation très jazzy, tandis que le final se fait carrément hypnotique.
Abuelas joue la carte du reggae, mais sur un mode dissonant, et bifurque vers un classicisme surprenant dans le « refrain », le tout avec des mélodies aux couleurs arabo-andalouses. Autant dire la vaste étendue des influences de Cyril Benhamou. Quant à la ligne de basse sur ce morceau, elle est tout simplement superbe. Puis, le court et sobre Introspection laisse rapidement la place à Song for Avi, le deuxième single à paraitre. Encore des consonances inhabituelles mais auxquelles on se laisse facilement bercer, avec à nouveau une basse proéminente et inventive.
La réinterprétation de White Keys de Chilly Gonzales transcende l’original. La combinaison du piano et des nappes au synthétiseur donne au morceau une magnifique dimension lyrique. Le titre est prévu de sortir prochainement en single. Selloum instaure une atmosphère de grands espaces, tandis que Tu Tango revisite le genre musical argentin, avant que le bizarrement nommé mais sublime et aérien Opening ne vienne refermer de façon majestueuses ces dix titres, dans une forme d’envol féérique.
L’album H.O.T (Heart Of Town) sort le 14 novembre chez Binaural prod – Absilone. Cyril Benhamou sera en concert le 6 décembre au Théâtre de l’œuvre à Marseille.

© Jean-François Convert – Septembre 2025