Un David Gilmour mélancolique dans ‘Luck and Strange’

‘Luck and Strange’ le nouvel album de David Gilmour est sorti hier. Après deux premières écoutes je lui trouve une couleur à forte dominance mélancolique.

La sortie d’un nouvel album de David Gilmour, c’est forcément un événement. Et ne parlons pas de l’annonce d’une « tournée » quand on voit la vitesse à laquelle sont partis les billets de ses concerts de l’automne, à Rome et Londres. Alors depuis hier, Luck and Strange doit tourner sur pas mal de platines, vinyles ou CD, lecteurs-baladeurs et plateformes de streaming en tous genres.

Je l’ai écouté déjà deux fois. C’est très beau, c’est du Gilmour.

L’ouverture Black Cat nous plonge d’emblée dans cette ambiance caractéristique et reconnaissable entre mille. Quelques arpèges au piano et des nappes de claviers au-dessus desquelles plane une guitare aérienne. Pas de fioritures, juste un toucher inimitable et ce son si familier. Vient ensuite le morceau-titre : tonalité mineure, groove ternaire, une couleur très blues, l’influence première de Gilmour. Le guitariste a toujours dit qu’à ses débuts avec son groupe Jokers Wild, ce qu’il souhaitait avant tout, c’était d’abord jouer du blues. On connait la suite…

© Anton Corbijn

Ça ne m’avait pas frappé tout de suite à la première écoute, mais je l’ai réalisé en entendant le titre bonus de la jam qui a donné lieu au morceau : le riff de Luck and Strange ressemble beaucoup à celui du passage central dans Dogs, sauf qu’il est ici en ternaire.

Le fait d’afficher un retour à ses premières amours du blues sur la chanson-titre n’est sans doute pas innocent. On sent que Gilmour a voulu se détacher du poids de Pink Floyd sur ce nouvel album (avec tout de même ce clin d’œil paradoxal à Dogs, sans doute involontaire). The Piper’s Call, le premier single à être sorti, traite des affres de la célébrité et du revers de la médaille qu’elle apporte la plupart du temps.

On ressent aussi ce détachement dans le morceau suivant. Le très beau A single spark met d’abord l’accent sur la voix du chanteur avant son talent à la six-cordes qui n’apparait qu’en deuxième partie de la chanson. A bientôt 80 ans, Gilmour délivre des performances vocales toujours d’une justesse et perfection incroyables. Une voix autant éthérée que sa guitare, dont le solo est ici tout aussi majestueux. Un combo magnifique qui constitue un des sommets de l’album à mon goût. A single spark marche sur les traces de Poles Appart ou Then I close my eyes. Cette sensation de plénitude et de sérénité qu’on peut ressentir en regardant un lever ou coucher de soleil.

Après un court intermède instrumental Vita Brevis, une nouvelle voix prend les commandes sur Between Two Points. Elle ne nous est plus inconnue depuis quelque temps puisque le morceau était sorti en single, et qu’on l’avait également déjà entendue aux chœurs sur le titre Yes I have ghosts paru en 2020 (et disponible en bonus sur cet album). Romany Gilmour, la fille du chanteur-guitariste prend ici le chant lead, en même temps qu’elle y joue de la harpe. Le morceau qui sonne le plus triste pour moi.

On sent que papa Gilmour a voulu rompre un peu la mélancolie latente de l’album en insérant un titre plus rock avec Dark and Velvet Nights. Comme on peut le voir dans le clip, le guitariste joue sur une Gibson ES-335, instrument peu commun dans sa collection. De mémoire, c’est la première fois que je le vois jouer sur un tel modèle de guitare lui appartenant (lors du passage de Pink Floyd à le télévision française en 1969, il avait emprunté celle de Harry Vanda des Easybeats, qui jouaient également dans l’émission, et en 1968 il s’agissait d’une copie de Grestch par le luthier Jacobacci).

Mais la mélancolie bien présente en filigrane des 9 chansons se ressent à nouveau dans Sings où on entend la voix d’un enfant qui pourrait bien être celui de Romany. Gilmour affiche ainsi fièrement son statut de grand-père, comme pour regarder vers l’avenir et tourner le dos au passé ? Celui qui a déclaré qu’il ne jouerai plus les anciens morceaux de Pink Floyd suite à ses (nouvelles) brouilles avec Waters, ne renie pas pour autant son ancienne vie puisqu’il rend hommage à son ami Richard Wright en insérant la jam enregistrée en 2007 qui a donné naissance au morceau-titre de l’album.

Le disque se referme sur le sombre Scattered en concluant obligatoirement sur un long solo qui ne pouvait pas être plus gilmourien. D’abord à la guitare acoustique avant que l’électrique ne s’impose sur près de deux minutes. Mais c’est finalement la voix du chanteur qui a l’honneur de poser la fin de la mélodie.

Un très bel album qui rappelons-le a été enregistré aux studios British Grove de Mark Knopfler. Et questions coulisses des sessions, on est gâté car la chaine YouTube officielle de Gilmour offre pas moins de 41 vidéos (en comptant les annonces et les singles) dont certaines dévoilent les secrets de fabrication de Luck and Strange : sessions d’enregistrement, guitares utilisées, etc….

Et cet album ne devrait pas être son dernier puisque le chanteur-guitariste a annoncé vouloir en enregistrer rapidement un autre dans la foulée. Alors, cette fois-ci sera-t-elle enfin l’occasion de voir se réaliser le rêve de nombreux fans ? Espérons-le…

Gilmour Knopfler

© Jean-François Convert – Septembre 2024

Étiqueté ,

1 commentaire sur “Un David Gilmour mélancolique dans ‘Luck and Strange’

  1. Un très bon album que je recommande et oui un duo avec Mark Knopfler nous verrons bien

    2

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error

Suivez ce blog sur les réseaux