Richard Hawley sur scène plus folk que pop

Jeudi soir, Richard Hawley était en concert à Feyzin près de Lyon. Son répertoire plutôt pop en studio a pris une couleur folk avec sa formule acoustique à deux guitares.

Une découverte récente pour ma part

J’ai découvert Richard Hawley très récemment, il y a moins d’un an (merci Katy 😉), par le superbe album Coles Corner et aussi son tout premier éponyme, souvent appelé Prize Bingo. je me suis laissé happer par des mélodies pures et magnifiques, des arrangements sobres et élégants, des teintes très souvent mélancoliques comme j’adore, et une voix de velours qui fait parfois penser à Elvis, ou qui lorgne du côté des crooners au point que mon ami Patrick Ducher le surnomme très justement « le Sinatra de Sheffield ».

Si Patrick a un faible pour Heart of Oak (sur l’album Hollow Meadows en 2015), je suis pour ma part un inconditionnel de tout l’album Coles Corner (sorti en 2005) avec ses envoutants The Ocean, Tonight, et Last Orders, ses suaves Darlin’ Wait for Me, Born Under a Bad Sign, Who’s Going to Shoe Your Pretty Feet, ses romantiques Coles Corner et Hotel Room, et ses ballades à couleur folk : [Wading Through] The Waters of My Time (quelque part entre Johnny Cash et Elvis), I Sleep Alone et surtout le très émotionnel Just Like the Rain que Richard Hawley a interprété jeudi dernier sur scène et révélé avoir composé le jour de ses 16 ans. C’est la seule chanson de mon album préféré à laquelle j’ai eu droit lors de ce concert du 12 septembre à L’Épicerie moderne de Feyzin, près de Lyon.

Et le dernier opus In This City They Call You Love sorti en juin dernier n’a pas été exposé tant que ça puisque la setlist n’en comportait que trois extraits, mais par chance avec mes deux morceaux favoris du disque fraichement écouté : le single Prism In Jeans ainsi que le doux et poignant Heavy Rain.

Le clip de Prism In Jeans offre un joli clin d’œil au single Tonight The Streets Are Ours qui figure sur Lady’s Bridge en 2007 et que Richard Hawley a également interprété ce jeudi 12 septembre

Un concert qui a débuté sous des hospices prompts à nous mettre dans l’ambiance.

Première partie dans le même ton

Première fois que j’allais dans cette salle à capacité moyenne (de 297 à 750 places) et détentrice du label SMAC (Scène de Musiques Actuelles). Quel bonheur de revivre la proximité avec les artistes en pouvant s’accouder à la scène, car pas de fosse de sécurité, le fameux « crash » (zone où j’ai parfois eu l’accréditation pour faire des photos et vidéos : Les Insus, Ben Harper, Joe Bonamassa, Roger Hodgson, …).

Dès le début de la soirée, je vois que la scène ne comporte qu’un stand de guitares folk et rien d’autre… Je me demande alors si Richard Hawley va jouer en solo acoustique. Patrick m’informe qu’il alterne les concerts avec groupe et d’autres seul. Visiblement on est tombé sur un soir seul, ce sera donc ambiance épurée. Et Gaspard Royant en première partie donne le ton. Un nom qui ne m’est pas inconnu… Une recherche rapide sur mon blog me rappelle qu’il a réalisé le clip Lost Songs des Howlin Jaws.

Mais pour l’heure, c’est le chanteur-guitariste qui officie. Attitude, costume, mélodies, formule concise guitare-voix (alors que ses disques sont enregistrés avec un groupe), Gaspard Royant s’inscrit totalement dans le style de Richard Hawley pour qui il avoue une profonde admiration. « je me sens comme un ado à son premier bal » lance-t-il en début de son set. Et il ajoute « ce soir c’est un peu une soirée nostalgique hein…. j’ai la nostalgie des étés de mon enfance ». C’est effectivement l’atmosphère qui se dégage de la chanson Summer’s gone où le chanteur narre ses amours estivales de jeunesse. Une très belle ballade ternaire en forme de madeleine de Proust. Et en guise de douceur sucrée supplémentaire, on a droit à une composition originale qui figurera sur son album de noël sortant le 6 décembre.

Duo de guitares folk

Puis vient le tant attendu Richard Hawley. Look mi-cow-boy mi rocker. Banane impeccable, chemise country et jean retourné sur les santiags. Une des choses qui me surprend immédiatement est la présence d’une tablette fixée au pied de micro. Bien sûr, je sais que nombre d’artistes utilisent des prompteurs comme pense-bête des paroles, mais les tablettes je les voyais plutôt pour les musiciens amateurs, comme il m’est arrivé d’en avoir en concert avec Yoann par exemple. La configuration réduite au simple duo impliquait sans doute une équipe restreinte et donc des moyens limités. Finalement on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Malgré le manche de la guitare orné de son nom en nacre dans le plus pur style des stars façon Elvis, Richard Hawley a gardé cette simplicité d’un musicien comme à ses débuts.

Il plaisante avec le public, notamment au sujet des élections… « vous le savez on va avoir des élections chez nous… je crois que vous en avez eu vous aussi ! » Il ajoute « on a décidé qu’il était temps de virer les fachistes »… allusion à peine voilée à Trump. Applaudissements nourris dans la salle, qui redoublent lorsque le chanteur annonce qu’en conséquence « ce soir les rues sont à nous », titre de son single Tonight The Streets Are Ours extrait de l’album Lady’s Bridge sorti 2007.

Cette tournée fait suite à In This City They Call You Love paru au mois de juin. Mais sur toute la setlist, seulement trois morceaux en sont extraits : Tis Night, Heavy Rain, et Prism In Jeans à la mélodie limpide qui donne la sensation de flotter. Moment suspendu où les spectateurs et spectatrices se balancent lentement au son de la voix et des guitares.

Et question guitare, le deuxième musicien Shez Sheridan reste discret et évite toute esbrouffe. Des arpèges subtiles, des notes posées et toujours à propos, un soutien parfait aux mélodies vocales auxquelles il participe par moments. Il alterne 6 et 12 cordes et joue parfois dans un style façon mandoline apportant une touche country à l’ambiance globalement folk. Le son des fifties n’est jamais bien loin avec la voix de crooner de Richard Hawley.

Mais le chanteur n’oublie pas qu’il est aussi guitariste (il a officié à la six cordes au sein de Pulp) en prenant parfois le solo, notamment sur deux morceaux : Corinna, Corinna et Standing at the Sky’s Edge. Le premier est un grand classique de Bo Carter repris par une myriade d’artistes aussi divers que Big Joe Turner, Dean Martin, Bob Dylan, Joni Mitchell, Willie Nelson, Taj Mahal, Eric Clapton (qui la chante en tant que Alberta), Steppenwolf, ou encore Rod Stewart, pour n’en citer que quelques uns. Hawley explique que son père lui chantait cette chanson (et il se trompe de tonalité en ne mettant pas son capo au bon endroit… vite corrigé par son comparse !).

Le deuxième est un blues lancinant que l’anglais joue après avoir évoqué le feu s’échappant des cheminées des usines de Feyzin. Sa guitare acoustique prend des inflexions presque électriques avec l’ajout d’un echo, renforçant l’atmosphère légèrement mystérieuse du morceau.

Baby You’re My Light, issu de son deuxième album Late Night Final en 2001, est joué sur un tempo plus lent que la version studio et dans une tonalité plus basse. Les arpèges des deux guitares, 12 et 6 cordes, se mêlent merveilleusement :

Après avoir longuement attendu une chanson de mon album préféré, je suis enfin exaucé avec Just Like the Rain, dont on apprend que le jeune Richard l’a écrite et composée le jour de son 16ème anniversaire. Plusieurs personnes à mes côtés reprennent les paroles en chœur, tout comme moi :

But you’re still in my mind
You’re still in my mind
And here’s where the sound
Of my tears hits the ground
Just like the rain, just like the rain

Le set se termine sur le plébiscité Heart of Oak qui en version acoustique perd un peu de sa puissance, mais pas de sa densité. Le riff rock de la version studio est ici joué sur une guitare folk mais on reconnait bien la signature musicale du morceau. Un « cœur de chêne » qui reste tout aussi solide, même en formule à deux sans rythmique.

Le public définitivement conquis scande pour demander un rappel, qu’il obtient avec deux titres. Richard Hawley introduit For Your Lover Give Some Time en expliquant qu’il l’a écrite pour sa femme, dont il a déjà parlé durant le concert. Il conclut avec My Little Treasures, salut pudiquement un verre à la main, mais ne viendra pas rencontrer son public pour dédicaces. De toutes façons, même pas de stand de merchandising prévu…

Un concert agréable, honnête et sincère, sans chichi. À titre personnel, j’aurais aimé plus de chansons de Coles Corner, mais peut-être que la configuration en duo ne s’y prêtait pas. Si l’occasion se présente un jour d’aller voir Richard Hawley en formule groupe au complet, sûr que je n’hésiterai pas. Et en attendant, j’écoute déjà Prism In Jeans et Heavy Rain en boucle…

© Jean-François Convert – Septembre 2024

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