Le biopic de Bob Marley nous laisse sur notre faim

Dimanche je suis allé voir ‘Bob Marley : One Love’. Il manque quelque chose au film pour en faire un biopic véritablement prenant.

Le biopic musical est devenu un genre très prisé au cinéma. Les pièges dans ce genre de projet sont nombreux. Faut-il relater l’ensemble de la vie de l’artiste ? De façon linéaire ou pas ? Ou choisir une période particulière ? Privilégier sa musique ou sa vie privée ? Tout reconstituer ou insérer des réelles images d’archives ? Réenregistrer entièrement les chansons, ou utiliser les originales ?… Avec la personnalité de Bob Marley, autant dire que les angles d’attaque étaient multiples.

Le réalisateur Reinaldo Marcus Green a choisi de se concentrer sur à peine un an et demi de la vie du pape du reggae : de son exil à Londres après la tentative d’assassinat contre lui le 3 décembre 1976, jusqu’à son retour en Jamaïque et le célèbre One Love Peace Concert le 22 avril 1978. Cette période est celle de l’essor de la popularité de Marley, qui va devenir une icône sur la planète entière. L’album Exodus marque un palier dans l’ascension du reggae au sommet des charts mondiaux. Cet aspect est plutôt bien montré dans la film, avec les coulisses du show bizz et la recherche d’un nouveau son, notamment à travers le guitariste Junior Marvin.

En revanche, quand le film cherche à s’aventurer sur le terrain spirituel du rastafarisme, le discours devient légèrement fumeux, sans mauvais jeu de mots. Impossible d’expliquer cette doctrine complexe et parfois paradoxale en quelques dialogues. Et ce ne sont pas les flashbacks trop théâtralisés mais sans réelle information précise qui aident à rattraper cet aspect maladroit du long-métrage.

Quant à la musique, pas vraiment de reconstitution époustouflante de concerts comme on avait pu en voir dans Bohemian Rhapsody ou The Doors. Et la performance musicale de l’acteur Kingsley Ben-Adir se cantonne à son interprétation de Redemption song et quelques bribes de Turn your lights down low, puisque toutes les autres séquences musicales sont avec les enregistrements originaux, et donc la vraie voix de Bob Marley. A travers des films comme par exemple Walk The line ou The Doors on avait pris l’habitude d’entendre les acteurs et actrices reprendre à la perfection la voix de leurs modèles.

De plus, un détail concernant une chanson m’a chiffonné : une scène du film montre Bob chanter Turn your lights down low à sa femme Rita comme si elle lui était adressée. Or ce morceau a été écrit pour Cindy Breakspeare avec qui Bob entretenait une liaison à Londres, pendant que Rita était dans le Delaware aux Etats-Unis. Cela peut sembler anecdotique, mais quand on sait que le film a été produit par Ziggy Marley, Cedella Marley (deux enfants de Bob) et Rita Marley…. on peut se poser la question, s’il n’y a pas là une petite volonté de réécrire un bout d’histoire…

Dans la communication officielle de Paramount Pictures, un des clips promotionnels présente le film comme axé sur « l’histoire d’amour entre Bob et Rita ». Il faut ajouter qu’à la production exécutive, en plus de Rita et des enfants, on retrouve d’autres personnes, notamment Brad Pitt, mais surtout Orly Marley, la femme de Ziggy, ce qui montre une réelle implication d’une large part de la famille Marley dans le projet du film. Et le personnage de Cindy Breakspeare étant complétement effacé (on ne l’aperçoit que quelques secondes), on imagine clairement la volonté de remettre Rita au centre de la biographie de Bob.

Sinon, parmi les petits clins d’œil savoureux, on note la très brève apparition du personnage de Mick Jagger lors d’une photo au cours d’une soirée mondaine, mais aussi la présence au générique final d’images du concert donné par Bob Marley à Toulon le 26 juin 1980, et surtout pour le stéphanois que je suis une séquence où la star du reggae regarde à la télévision la finale de la Coupe des clubs champions qui s’est déroulée à Glasgow le 13 mai 1976, un match de légende opposant les Verts de l’ASSE au Bayern de Munich. L’équipe de Saint-Etienne s’inclinera face aux Allemands, à cause de fameux poteaux carrés, mais les stéphanois défileront malgré tout sur les Champs Elysées ! Même moi qui ne m’intéresse pas au foot (doux euphémisme), j’en ai entendu parler comme de l’événement incontournable quand on évoque Saint-Etienne. Mon jeune frère, fan de Bob Marley ET de foot a dû apprécier cette réunion de ses deux passions.

Mais malheureusement, cette petite madeleine musico-footballistique ne suffit pas à faire un bon film. On doit attendre le générique de fin pour entendre la chanson qui donne son titre au biopic. Un long-métrage qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. Je préfère de loin me replonger dans l’œuvre foisonnante de Bob Marley. Il aurait eu 79 ans au début du mois. Sa musique continue encore et toujours de nous transporter.

© Jean-François Convert – Février 2024

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2 commentaires sur “Le biopic de Bob Marley nous laisse sur notre faim

  1. Merci Jef. A-t-on parlé de l’épisode du médecin parisien qui voulait amputé l’orteil de Bob Marley ? ou bien de son séjour médical controversé en Bavière ?

    1. Sam, il y a une courte scène avec le médecin parisien, mais pas le séjour en Bavière

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