Le 13 juillet 1973 arrivait dans les bacs ce premier opus d’un tout nouveau groupe qui allait marquer de son empreinte l’histoire du rock : Queen.
Dès son premier album, Queen pose les bases de ce qui va faire son succès : la personnalité charismatique de son leader Freddie Mercury qui signe la moitié des morceaux (5 sur 10) et s’impose comme une voix avec qui il va falloir compter, les orchestrations complexes à la guitare de Brian May qui de son côté compose presque autant que Mercury (4 sur 10), les performances vocales suraiguës du batteur Roger Taylor par ailleurs auteur d’un titre, et enfin l’apport indéniable du discret John Deacon qui même s’il ne compose pas encore, délivre des lignes de basse mémorables. Tout est en place, il n’y a plus qu’à attendre le succès qui tend les bras.
Mais le succès ne vient pas tout de suite. Le single Keep Yourself Alive de May qui ouvre l’album ne perce pas vraiment, et l’album ne parvient pas à figurer dans les charts britanniques dès sa parution. Pourtant, le fameux riff gorgé de phasing et le refrain accrocheur avaient tout pour séduire le public. Les voix qui s’entremêlent forgent dès le début du groupe l’identité vocale de Mercury, tandis que le solo qui empile les couches de guitare annonce déjà les futures partitions d’anthologie de Brian May.
Il faudra attendre le mois de mars 1974 et le succès du deuxième album du groupe, Queen II, pour que ce premier album réussisse à se hisser, mais peine à s’y maintenir, se contentant d’une 37e place. Réédité à la suite de l’énorme succès de A Night at the Opera et du single Bohemian Rhapsody entre la fin d’année 1975 et le début de l’année 1976, Queen se classe plus durablement dans les charts britanniques et parvient à y atteindre la 24e place. Autre élément qui renverra rétrospectivement à ce premier opus : le single du deuxième album sera Seven Seas Of Rhye en version chantée, mais qui figure ici uniquement en instrumental.
Ce n’est donc qu’après coup que le public le redécouvrira alors que tout ce qui contribue au style de Queen figure déjà dans ce premier album.
La ballade Doing All Right qui date de Smile, le précédent groupe de May et Taylor, combine de superbes harmonies vocales avec un passage central nettement plus hard-rock, Great King Rat, My Fairy King et Jesus sont parsemés de références bibliques et de légendes à mi-chemin entre le mystique et l’heroic fantasy avec des parties de chant hallucinantes, Son and Daughter verse dans le hard-rock façon Led Zeppelin avec son riff gras et pesant, The Night Comes Down offre une deuxième ballade, très riche harmoniquement, Modern Times Rock n Roll accélère le tempo à son paroxysme et pousse la voix de Taylor dans ses retranchements.
Quant au second single, Liar, il préfigure lui aussi les futurs chefs-d’œuvre du groupe : riff de guitare iconique et intro à l’ambiance classic-rock, ruptures de tons et de rythmes dans le plus pur style progressif, chant lyrique et habité, chœurs typiques entre gospel et chants ethniques, et même un solo de basse ! Tout le Queen en devenir est présent dans ce titre.
Même s’il n’atteint pas la perfection des albums mythiques à suivre, ce premier opus de Queen annonce déjà clairement la couleur d’un style musical hors du commun. Un disque à redécouvrir, sorti il y a tout juste 50 ans aujourd’hui.
© Jean-François Convert – Juillet 2023