Aristide Bruant est né il y a 170 ans

Le 6 mai 1851 naissait l’un des plus célèbres chansonniers du patrimoine français.

Aristide Bruant vu par © Denys Legros : « Ici, il est accompagné de son pote Toulouse Lautrec, auteur de l’affiche … Que regardent-ils, Nini peau d’chien ou l’affiche ? » … et les amis noteront le clin d’œil à mon encontre…. merci Denys 🙂

Une icône

Je vais être honnête : il serait faux de dire que je connais bien Bruant. Tout au plus quelques « tubes ». Mais son nom a quelque chose de culte. Comme un mythe, une légende. Monument de la chanson française, il est considéré comme un des plus grands poètes de l’argot de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle. Et un de ceux qui a inventé la chanson réaliste, perpétuée jusqu’au milieu du XXème siècle, notamment par Edith Piaf. Pas rien quand même.

Et puis l’image bien sûr. La représentation même de l’artiste par excellence. Chapeau à larges bords, et l’écharpe par dessus l’épaule. Chez mes parents, le papier peint des toilettes était un patchwork d’affiches 1900. On y croisait Sarah Bernhardt, le Moulin Rouge, le French Cancan, et bien sûr Aristide Bruant. Le fameux portrait réalisé par Toulouse-Lautrec.

Une représentation qu’on imagine d’un autre temps, mais sans trop savoir quand exactement. Le charme rétro, « Les années folles », « la belle époque »… lorsqu’on est môme, on distingue mal les références historiques. En revanche, on imprègne facilement les images symboliques. Et cette icone vous marque forcément. Surtout quand on la retrouve plus tard sous les traits d’un Goscinny caricaturé par Gotlib dans la Rubrique-A-Brac :

Gotlib, Rubrique-à-brac Tome 3, page 31 © Dargaud (1972)

Bien malgré lui, Bruant a incarné (et incarne encore) visuellement le cliché de l’acteur tragique déclamant ses vers avec emphase, ou du metteur-en-scène mégalomane exigeant des décors pharaoniques pour l’œuvre de sa vie. Et Mitterrand avec son écharpe rouge ? Il n’aurait pas un petit côté Bruant ? Certes, la référence était sans doute plutôt du côté de Jean Moulin, mais on a parfois des associations d’idées saugrenues… encore que je ne suis pas le seul à y avoir pensé :

Mais d’abord un chansonnier

Cette image célèbre ne saurait faire oublier ses chansons, dont plusieurs sont devenues tellement connues qu’on les considère comme des classiques du « domaine public ». C’est tout juste si on se souvient qu’elles sont de lui. Mon grand-père chantonnait très souvent Sur la route de Louviers lorsqu’il nous promenait en charrette avec mes cousins entre la Talaudière, Méons et Montreynaud (pour ceux qui connaissent Saint-Etienne). Un titre qu’on attribue à Bruant, mais qu’il a pu tout aussi bien reprendre de traditions avant lui. Il a en effet enregistré ses propres chansons, ou des « vieilles chansons recueillies et harmonisées par Bruant ».

De même pour Nini peau d’chien (A la Bastille)… des grands classiques qui ont largement dépassé la renommée du parolier-chanteur. Des chansons qu’on classerait presque au même rang que Le temps des cerises, Au clair de la lune ou La complainte de Mandrin : on ne se pose même plus la question d’en connaitre l’auteur. Elles font partie du répertoire français, point. On a l’impression qu’elles ont toujours été là, depuis la nuit des temps. Comme si ces chansons avaient leur vie propre. Et le fait que Bruant les ait mélangées dans son tour de chant avec des airs traditionnels tels Auprès de ma blonde, a contribué faire rentrer ses propres compositions dans le patrimoine commun.

Un artiste souvent cité et repris

On mesure l’aura d’un artiste à entre autres l’importance de son influence sur le générations suivantes. Et dans le cas d’un auteur-compositeur-interprète, à ses reprises par d’autres chanteurs. Lister toutes celles et ceux qui ont interprété du Bruant serait bien évidemment trop long, mais on peut évoquer Les Frères Jacques, Germaine Montero, Patachou, Georges Brassens… et Yves Montand, un de mes chanteurs français favoris, et par lequel j’ai découvert des titres de Bruant : Les Canuts, sur son disque Chansons populaires de France en 1955 (► chronique de l’album), mais aussi Rue Saint-Vincent (Rose Blanche).

Enfin, impossible de ne pas citer Renaud, qui a lui aussi repris Bruant (Lézard et Rue Saint-Vincent, sur l’album Le P’tit Bal du samedi soir et autres chansons réalistes), mais l’a surtout mentionné dans une de ses chansons : Pourquoi d’abord ? sur l’album Marche à l’ombre (► chronique de l’album).

J’aime la vie et les coquillettes
Le musette et la bière
Pis fumer une vieille Goldo
En écoutant chanter Bruant!

Si pour Renaud, écouter chanter Bruant s’ajoute à sa liste des plaisirs simples de la vie, alors il m’en a transmis l’esprit, moi qui l’écoute lui, et aussi Brassens, Brel, Montand, Piaf, Trenet, Ferrat, et les autres. A travers tous ces grands de la chanson française, finalement, j’écoute aussi un peu Bruant… né il y a 170 ans aujourd’hui.

© Jean-François Convert – Mai 2021

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3 commentaires sur “Aristide Bruant est né il y a 170 ans

  1. Super… Bruant c’est les CANUTS Nini peau de chien Le chat noir ..
    J’ai acheté le livret dans lequel il y a tous ces textes a plus Roland

    2
  2. je ne sais pas s’il y a un autre  » Auprès de ma blonde  » qui serait de Bruant, sinon celui que je connais date du 16 ème ou 17 ème et commence par  » Dans les jardins de mon père les lauriers sont fleuris….. »
    A vérifier, je te fais confiance pour ça !!!!

    1
    1. effectivement tu as raison.
      Wikipedia :

       » ‘Auprès de ma blonde’ est une marche militaire du XVIIe siècle, dont le titre original est ‘Le Prisonnier de Holland’, devenue très populaire en France au XVIIIe siècle.
      Elle est souvent attribuée à André Joubert du Collet, lieutenant de la marine royale sous le règne de Louis XIV : fait prisonnier par les Hollandais, il l’aurait composée après sa libération, en 17041.
      Elle se popularise durant les XVIIIe et XIXe siècles et entre dans le répertoire populaire. »

      En fait Bruant l’a interprétée dans le cadre de ses « vieilles chansons recueillies et harmonisées par Bruant »
      Je vais rectifier
      merci 🙂

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