‘Seetu’, le nouvel album du collectif African Jazz Roots sort aujourd’hui. Un magnifique voyage musical.
On cite souvent l’Afrique comme le berceau du blues, mais elle a également de fait donné aussi naissance au jazz, bien avant les grandes heures de la Nouvelle Orléans. Il est donc tout naturel pour des musiciens de jazz de vouloir retourner aux sources. Le batteur et pianiste Simon Goubert (qui a joué avec entre autres Magma) est ainsi allé en 2009 au festival de jazz de Saint-Louis du Sénégal où il a fait la connaissance Ablaye Cissoko, descendant d’une famille de griots, et joueur de kora. De leur rencontre est né le collectif African Jazz Roots avec un premier album éponyme enregistré en 2012 à à l’Institut Français de Dakar, et un deuxième au loin enregistré en public à Paris en 2017.
Ce nouvel opus Seetu qui sort aujourd’hui est le fruit de dix années de travail, d’échanges et d’amitiés, jalonné par de très nombreux concerts. Un temps nécessaire pour la fabrication d’une identité forte.
Seetu signifie « reflet » ou « miroir » en wolof, langue sénégambienne parlée au Sénégal et en Mauritanie. Il est en effet question de miroir et de reflets entre les racines africaines qui résonnent par la kora d’Ablaye Cissoko et les calebasses d’Ibrahima ‘Ibou’ Ndir, et des consonances plus occidentales notamment à travers le piano de Sophia Domancich et la contrebasse de Jean-Philippe Viret. En parfait chef d’orchestre, Simon Goubert soutient l’édifice par une rythmique complexe et subtile.
Mais pas vraiment de leadership chez African Jazz Roots. Chacun-e des musicien-nes compose au moins un des 10 titres de l’album. Ou peut-être devrait-on dire 11 titres… si on compte le morceau caché à la fin. Parfois juste le piano et la kora en duo comme sur D’une évidence à l’autre, ou des percussions seules sur Teunguène, mais la plupart du temps c’est un quintet en pleine symbiose que l’on entend.
Le disque s’ouvre sur le morceau-titre d’une durée de près de 9 minutes. Une version raccourcie a été mise en ligne sur la chaine YouTube du studio Sextan / Label PeeWee, comme on peut l’entendre ci-dessus.
Parmi les titres les plus enlevés, Le jour des Régates tourne autour d’un thème au piano sur lequel viennent se greffer des phrases de kora. Des phrases qui semblent être jouées par plusieurs koras simultanément, mais il n’en est rien comme l’expliquent Ablaye Cissoko et Simon Goubert :
Et c’est cette même virtuosité d’Ablaye Cissoko qui fait s’entrechoquer la kora avec le piano sur le frénétique Goxumbaac. De son côté, le dernier arrivé dans le quintet, Ibrahima ‘Ibou’ Ndir, expose une grande dextérité aux calebasses tout au long de l’album, et plus particulièrement sur le traditionnel Manssani Cissé. Ablaye Cissoko en est admiratif :
Autre morceau traditionnel, le très beau Sundjata suggère spontanément des images d’Afrique de l’ouest. Mais l’apport des cultures de chaque membre du groupe permet de jeter des ponts entre les différents continents. « une façon de travailler que j’avais déjà expérimentée avec des musiciens de jazz manouche » confie Simon Goubert :
Pour moi, le plus beau morceau reste Café Touba qui clôt l’album. Une ritournelle douce et enivrante sur laquelle vient se greffer une voix aérienne. Qui clôt… pas vraiment, puisque le CD offre un morceau supplémentaire caché, que vous n’entendrez pas sur la playlist YouTube. En réalité il s’agit d’un final différent de La Langue de Barbarie, deuxième chanson de l’album, signée Sophia Domancich, avec un leitmotiv obsédant au piano en mode mineur.
Un très bel album riche et coloré, mais aussi subtil et délicat, où l’on perçoit toute la magie de cette région d’Afrique, en même temps que l’universalité du jazz qui déborde plus que jamais les frontières.
African Jazz Roots est en tournée à partir du mois de novembre :
- samedi 11 novembre MÂCON (71) – Le Crescent
- dimanche 12 novembre LYON (69) – Hot Club
- mercredi 15 novembre PARIS (75) – New Morning
- jeudi 16 novembre STRASBOURG (67) – Jazzdor Festival
- vendredi 17 novembre NEVERS (58) – D’Jazz Festival
- samedi 18 novembre PLÉNEUF (22) – Val André
- dimanche 19 novembre LIFFRÉ (35) – La Bouëxière
© Jean-François Convert – Septembre 2023