Il y a 50 ans, Santana refermait sa période jazz rock avec ‘Borboletta’

En octobre 1974 arrivait dans les bacs ce sixième album studio de Santana qui clôturait la parenthèse jazz rock entamée avec Caravanserai en 1972.

C’est par cet album que j’ai découvert la musique de Santana. Auparavant je ne connaissais que le tube Europa. je n’ai donc pas abordé la discographie du groupe par le disque le plus représentatif. Plutôt que la fièvre latino, j’ai d’abord commencé par ce mélange de jazz-rock et de lounge-soul typique seventies. J’ai tout de suite été happé par le mysticisme fusion de Promise of a fisherman, Aspirations et Here and now, le disco-funk de Give and take, la pop jazzy raffinée de Life is anew, Mirage et One with the sun, l’exotisme de Canto de los Flores, Flor de Canela et le morceau-titre, et surtout ce son de guitare inimitable qui illumine l’intro de Practice what you preach :

Du larsen mélodique, de la saturation agréable aux oreilles, de la disto-fuzz tout en douceur. C’est le style caractéristique de Carlos Santana qui à cette époque joue principalement sur Yamaha SG-2000. Les parties de guitare sont lumineuses et virtuoses mais jamais démonstratrices. La six-cordes se fait constamment chantante et lyrique, notamment dans Life is anew, One with the sun et Practice what you preach. Nerveuse dans Give and take, nonchalante dans Flor de Canela, elle peut aussi parfois se faire légèrement dissonante, comme dans Promise of a fisherman, où le guitariste se permet même d’imiter le son d’un beuglement de vache façon boite à meuh ! (à 5:11 dans la vidéo)

Durant cette période jazz-rock de la première moitié des seventies, Carlos Santana se convertit à la méditation orientale, en suivant le gourou indien Sri Chinmoy. Cette philosophie transpire dans sa musique et plus particulièrement ici dans les morceaux Promise of a fisherman avec ses chœurs aériens et angéliques, Here and now baignant dans un climat mystérieux, et Aspirations où la guitare n’apparait même pas, laissant les feux de la rampe au saxophone de Jules Broussard dans une atmosphère très coltranienne. Il y a d’ailleurs trois titres sans guitare : en plus de Aspirations, on compte aussi l’intro Spring Manifestations (Sound Effects) qui comme son nom l’indique n’est constituée que d’effets sonores, et le morceau-titre qui referme l’album sur une ambiance tropicale évoquant la forêt amazonienne. Car Borboletta signifie « papillon » en portugais, et La pochette est une allusion à l’album Butterfly Dreams de la chanteuse brésilienne Flora Purim et son mari le percussionniste Airto Moreira, qui jouent d’ailleurs sur quelques chansons et leur contribution a eu une profonde influence sur le son de l’album.

Airto Moreira et Flora Purim sur la pochette de leur compilation A Celebration: 60 Years – Sounds, Dreams & Other Stories © BBE Music 2023

Un autre musicien de renom participe au disque en la personne du bassiste Stanley Clarke sur Aspirations et la suite Here and NowFlor de CanelaPromise of a Fisherman. Le batteur Michael Shrieve quitte le groupe à la fin des sessions, laissant le poste à Leon ‘Ndugu’ Chancler qui joue déjà sur Aspirations et Here and Now. Leon Patillo au chant, Tom Coster aux claviers et à la composition, ainsi que le bassiste David Brown et les fidèles percussionnistes Armando Peraza et José Chepitó Areas complètent la formation.

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Stanley Clarke et Carlos Santana (avec aussi Herbie Hancock et Jon Lucien) sur la scène du Berkeley Jazz Festival en Mai 1980 au Greek Theatre de Berkeley © Ed Perlstein/Redferns/Getty Images

Malgré ces invités de marque, l’album Borboletta n’a pas forcément été beaucoup mis en lumière dans la carrière de Santana. Seuls deux titres du disque, Mirage et Give and Take ont eu l’honneur d’être joués en live, durant la tournée de 1974-1975.

Deux versions de Give and Take sont tout de même disponibles sur la chaine YouTube officielle de Santana, bien que non parues sur des albums live de la discographie officielle.

Même s’il ne figure pas parmi les plus connus de Santana, cet album revêt pour moi une consonnance particulière dans la mesure où il m’a ouvert à la musique de l’artiste, que j’ai ensuite découverte bien plus en profondeur. Un album sorti il y a un demi-siècle ce mois-ci.

© Jean-François Convert – Octobre 2024

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