L’album ‘The Past Is Still Alive’ de Hurray for the Riff Raff est sorti vendredi dernier. Une atmosphère très Americana pour ‘l’artiste issue de la scène rock alternatif.
L’autrice-compositrice-interprète Alynda Segarra qui officie sous le nom de Hurray for the Riff Raff était au début de sa carrière en 2008 plutôt apparentée au mouvement punk, ou tout du moins rock alternatif. Mais plus elle avance dans sa carrière, et plus son style musical s’oriente vers l’Americana. C’était déjà un peu le cas sur son précédent album Life on earth sorti en 2022. Mais avec The Past Is Still Alive paru la semaine dernière, c’est encore plus marqué.
Alibi qui ouvre le disque était sorti en single à l’automne et affichait clairement cette tendance. Le mélancolique Buffalo poursuit dans cette couleur, puis Hawkmoon, lui aussi publié en single, confirme cette ambiance de Road Trip notamment à travers son clip :
Mais le morceau ne se cantonne dans une image candide du rêve américain, bien au contraire. D’une part, la guitare rugueuse sur l’outro rappelle cette volonté de Hurray for the Riff Raff de ne pas sonner « classique », et d’autre part le texte de la chanson évoque le souvenir émouvant de la première femme transgenre qu’Alynda Segarra ait jamais rencontrée – une poète, punk et compagne de voyage nommée Miss Jonathan. Et Alors que Hawkmoon atteint son apogée cathartique et rock, l’histoire se termine par un poignant morceau de spoken word : « Follow me to a place where everyone we love is still alive » (« Suivez-moi dans un endroit où tous ceux que nous aimons sont encore en vie »).
La chanteuse explique : « Hawkmoon est une chanson sur la fuite. Miss Jonathan était une rappeuse allemande, une poétesse et une gamine sans-abri qui prenait le train, qui aimait porter les tenues les plus moulantes possibles et qui était une voleuse à l’étalage étonnamment douée. Nous sommes devenues les meilleures amies du monde pendant un hiver, avant que je n’apprenne à jouer de la musique à la Nouvelle-Orléans, et je montais dans sa voiture déglinguée à la recherche de maisons abandonnées où dormir. »
Elle ajoute : « Cette rencontre a changé ma vie et a ouvert des portes dans mon esprit sur la question du genre, même s’il m’a fallu de nombreuses années pour me sentir suffisamment libre pour m’épanouir en moi-même. J’ai toujours voulu lui rendre hommage, car je ne l’ai pas vue depuis des décennies et je me demande si elle est encore en vie. Elle a subi beaucoup de violences la dernière fois que nous nous sommes vues, et je pense souvent à elle ».
Hawkmoon n’est pas la seule chanson a évoquer la culture queer et outsider. Alynda Segarra en parle également dans le très beau et triste Colossus of Roads qu’elle a écrit suite à la fusillade du Club Q au Colorado : « Je me suis assise sur le canapé, j’ai pleuré et j’ai écrit cette chanson. C’est ma chanson d’amour à la culture queer et outsider qui existe au milieu de la violence. Un collage de références à l’art des hobos (Buz BLur : The Colossus of Roads, ainsi que des écrits au marqueur gras sur des bidons d’huile) et de poésie radicale (Eileen Myles : I must be Living Twice). » Colossus of Roads est aussi sorti en single le mois dernier.
Quant au morceau-titre de l’album Snake Plant (The Past Is Still Alive), c’est une véritable « boîte à souvenirs » confie l’autrice-compositrice-interprète. « Le premier couplet parle de mon père qui nous emmenait, ma tante, mon frère et moi, en Floride chaque été dans un minivan. Nous restions en Floride pendant un mois environ pour rendre visite à mon grand-père et à mes tantes, souvenirs très forts d’étés chauds et d’intrusions dans des fermes qui n’étaient pas les nôtres pour que mon grand-père puisse se vanter et me montrer le bétail qui appartenait en fait à son patron. » La chanson parle aussi de sa première expérience des ouragans : « mon père plaisantait en disant qu’il allait nous attacher, lui et moi, au grand arbre à l’extérieur et que nous allions traverser la tempête ensemble. J’ai passé de nombreux moments seul à écouter de la musique, à rêver de ce que je voulais faire de ma vie, à rêver de mon escapade. »
Elle conclut : « Le reste est ce que j’ai découvert dans le monde, la communauté, le chagrin, l’amour, la passion, la mort. J’ai toujours voulu écrire ma version de ‘I Was Young When I Left Home’ de Dylan. »
Au gré des 10 titres, on alterne entre folk-rock rageur (Vetiver), paroles parfois désenchantées et déchirantes sur fond de sublimes mélodies (Hourglass, Dynamo), mais toujours cette sensation de vouloir survivre dans un monde en feu (The World Is Dangerous). La dernière chanson Ogallala, qui fait référence de nouveau à un épisode autobiographique, est de l’aveu même d’Alynda Segarra « Une autre chanson sur la vie et ce qui semble être la fin du monde. » L’album se clôt ainsi sur une envolée aux notes à la fois tragiques et pleines d’espoir. Et comme pour désamorcer et dédramatiser le contexte, Kiko Forever vient réellement conclure le disque par des bribes de conversation téléphonique pleines de tendresse, histoire de rappeler que le quotidien subsiste malgré tout, et que l’amour et la bienveillance restent la clé dans ce monde de brutes.
Un album qui traite de la mémoire, l’amour, le deuil et le temps qui passe. Des thèmes forts accompagnés par une musique simple, quelques accords, mais d’une réelle intensité qui prend aux tripes. Un disque à écouter sur la route pour son ambiance americana-on-the-road, mais qui marque aussi intérieurement. Le signe des grands albums.
Hurray For The Riff Raff sera en concert à la Maroquinerie le 19 mai prochain.
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© Jean-François Convert – Février 2024
Ses premiers albums auto produits à new Orléans étaient au contraire plutôt musiques du Sud ! Elle et son compagnon Sam Doores puisque générait un duo au départ reprenaient Hank Williams par exemple… et George Harrison aussi ! J’ai ses albums aujourd’hui introuvables hors streaming !
Je dirais qu’elle fait un retour aux sources aujourd’hui ses précédents m’ayant assez déçu ! À voir ou plutôt à écouter !
merci pour la précision