On fête aujourd’hui le demi-siècle de “Morrison Hotel”, un album qui marquait le retour des Doors à une musique gorgée de blues.
Sommaire
Un nouveau départ
En 1969, les Doors apparaissent en fin de course. Ils viennent de sortir leur album jugé le plus mauvais de leur discographie : The soft parade (► Ma chronique). Un style pompeux et boursouflé qui ne leur correspond pas vraiment, et des sessions d’enregistrement laborieuses qui laissent entrevoir le désintérêt grandissant de Morrison pour la musique.
Mais après ce passage à vide qui pouvait presque présager de la fin du groupe, ils rebondissent en revenant aux sources de leur inspiration musicale des débuts : le blues. L’esprit de Back door man et Love me two times resurgit, et le quatuor de Venice Beach va accoucher d’un de ses meilleurs opus.
L’envie et la passion s’entendent à nouveau, et encore plus sur l’album suivant L.A Woman, on ressentira réellement le désir de repartir sur de nouvelles bases pour Jim, Robbie, Ray et John. Mais l’histoire en décidera autrement avec la disparition abrupte du poète rock en 1971…
Un album de guitare…
Fortement influencé par Krieger, l’album fait la part belle aux riffs bluesy (Roadhouse blues, The spy, Maggie M’ Gill), country (Ship of fools, Land Ho !) et pur rock’n’roll (You make me real, Queen of the Highway). La six-cordes est reine sur quasiment tous les morceaux. Manzarek est plutôt discret, et c’est clairement le guitariste qui mène la barque. Il est d’ailleurs crédité comme co-auteur sur 5 morceaux.
Trois musiciens additionnels viennent prêter main forte au quatuor :
- Ray Neapolitan (basse)
- Lonnie Mack (basse sur Roadhouse Blues et Maggie M’Gill)
- John Sebastian, sous le pseudonyme “G. Puglese” (harmonica sur Roadhouse Blues)
Le riff funky de Peace Frog a souvent été cité comme joué à la wah-wah. Personnellement je n’en suis pas certain, et j’opterai plutôt pour un léger phasing, obtenu avec un Uni-Vibe, effet reproduisant le son tournant dune cabine Leslie, et popularisé par Hendrix à Woodstock.
… mais typique des Doors
Le disque ne se cantonne pas à une succession de riffs southern-rock. La couleur générale bluesy est souvent matinée d’ambiances californiennes. Aux rythmes enlevés voire effrénés de plusieurs titres, succèdent l’atmosphère chaude et estivale de Blue sunday et Indian Summer.
La mélancolie typiquement Morrisonienne est bien présente avec The spy, et le grand Jim chante à nouveau avec ce timbre à la fois sauvage et sensuel, si caractéristique des meilleurs morceaux du groupe. La chanson Waiting for the sun qui n’avait pas aboutit sur l’album du même nom en 1968, trouve ici toute sa place, en se fondant dans l’ambiance générale du disque.
Ship of fools et Land Ho ! donnent l’envie irrésistible d’enfourcher une grosse cylindrée pour aller parcourir les routes de Californie et d’ailleurs. Mais s’il y a un titre dédié à la vitesse qui grise, c’est bien Queen of the highway, standard rock, qui offre tout de même un pont jazzy au beau milieu, comme seuls les Doors savent le faire.
La chanson a d’ailleurs été enregistrée en version entièrement jazzy, et disponible sur l’édition 40ème anniversaire :
En revanche, c’est le seul album parmi leurs 6 en studio qui ne se termine pas sur un morceau épique à l’instar de The end, When the music’s over, Five to one (certes plus court que les autres, mais épique quand même), The soft Parade et Riders on the storm. Ici, une simple ballade laid-back au riff lancinant, et Morrison qui chante avec ce ton un brin désabusé, qu’on retrouvera sur plusieurs titres de l’album suivant.
La pochette
Le véritable titre du disque est en fait Morrison Hotel / Hard Rock Café, dénommant ainsi chacune des faces. Ce sont d’ailleurs les deux établissements qui sont pris en photo sur le recto et le verso de la pochette. Mais pour le premier, il semble que le propriétaire n’était pas d’accord et qu’ils ont du faire vite !
Pour le second, le nom sera repris l’année suivante, lors de la création de la chaîne Hard Rock Cafe, inspiré par cette photo. L’hôtel est toujours en activité, alors que le bar qui n’existe plus aurait été utilisé des années plus tard dans le clip vidéo Beat It de Michael Jackson. (Wikipedia)
Comme il se trouve toujours des illuminés cherchant à dénicher des signes ésotériques dans les pochettes de disques de rock, certains ont cru voir Hitler dissimulé derrière la vitre de ce Café, au dos de la pochette… décidément, rock et légendes ont toujours été étroitement liés…
La célébration du 50ème anniversaire
Et ce n’est pas exagéré de qualifier l’album de légendaire. Il fait régulièrement partie de listes de disques essentiels. On aurait pu espérer une édition spéciale 50ème anniversaire, dans le même esprit que pour The soft parade, mais pour l’instant aucune info. En revanche, le 4 janvier a eu lieu une journée dédiée, devant l’hôtel d’origine, avec Robbie Krieger et le photographe Henry Diltz. Les fans ont pu assister à un mini-concert de Robbie Krieger et Dennis Quaid plus quelques amis, ainsi qu’une expo photo des clichés pris à l’époque. Les images de cette journée sont résumées en vidéo sur le premier titre de la playlist officielle de l’album :
La raison pour laquelle il ne semble pas prévue d’édition spéciale est peut-être le fait qu’il y en avait déjà eu une pour les 40 ans. En plus des 11 titres de l’album, on y trouvait les bonus suivants :
- Talking Blues
- Roadhouse Blues (Takes 1–3, recorded November 4, 1969)
- Roadhouse Blues (Take 6, recorded November 4, 1969)
- Carol
- Roadhouse Blues (Take 1, recorded November 5, 1969)
- Money Beats Soul
- Roadhouse Blues (Takes 13–15, recorded November 5, 1969)
- Peace Frog (False Starts & Dialogue)
- The Spy (Version 2)
- Queen of the Highway (Jazz Version)
Cliquez ici pour accéder à la playlist de l’édition 40ème anniversaire, avec les bonus
En définitive, un grand album des Doors, et du rock tout court. A écouter et réécouter de toute urgence, justement aujourd’hui pour son cinquantenaire.
© Jean-François Convert – Février 2020